Arsène O'Mahony
Comte O'Mahony
1787-1858



Chevalier des ordres de Malte, du Phénix de Hohenlohe, des Saints-Maurice-et-Lazare, du Lys
Officier de cavalerie (1802-1817)
Un des plus brillants écrivains de la presse royaliste sous la Restauration1 (1818-1841)



Fils unique de Barthélemy O'Mahony, lieutenant général au service de la France, et de Monique de Gouy d'Arsy, veuve du comte des Salles, Marie Yves "Arsène" Barthélemy Daniel est né au Vieux Louvre, dans l'appartement que Louis XIV avait donné à Madame de La Lande, sous gouvernante des Enfants de France, son arrière-arrière-grand-mère maternelle. Il a été baptisé le 30 décembre 1787 en l'Eglise Royale et paroissiale de Saint Germain l'Auxerrois. Son parrain est le Comte Daniel O'Connell, Mestre de Camp du régiment de Salm-Salm, "ami de cœur" de Barthélemy. Sa marraine est sa grand-mère, Anne Yvonnette Rivié de Ricquebourg, marquise de Gouy, dame d'honneur de Madame Adélaïde de France (3e fille de Louis XV). Arsène a une demi-sœur, Aurore des Salles, de huit ans son aînée.



Extrait du registre des baptêmes de Saint-Germain l'Auxerrois
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Selon Saint-Allais et La Roque, il est reçu chevalier de minorité dans l'ordre de Malte le 18 mars 1788. Selon Saint-Allais (L'Ordre de Malte, ses Grand-Maîtres et ses chevaliers), les chevaliers de minorité étaient ceux qui étaient reçus dès leur naissance ou en bas âge, ce qui ne pouvait avoir lieu sans une dispense du pape. Leurs preuves de noblesse devaient être régulières. Ils allaient ensuite à Malte, à l'âge de quinze ans, pour commencer leur noviciat et faire leurs caravanes. Ils avaient cependant la faculté de ne se rendre à Malte qu'à l'âge de vingt-cinq ans, pour faire profession à vingt-six au plus tard, faute de quoi ils perdaient leur droit d'ancienneté, qui ne commençait que du jour de la profession. L'origine des chevaliers de minorité date de l'an 1631, époque à laquelle, le trésor se trouvant épuisé, il fut décidé dans le chapitre général qu'il serait accordé cent dispenses pour recevoir cent jeunes enfants nobles, à condition qu'ils payeraient chacun un droit de passage. Ces cent dispenses ayant été bientôt épuisées, l'usage d'en accorder de nouvelles se propagea. Le droit de passage pour ces chevaliers était de 7 374 livres. Ils avaient le droit de porter la décoration de l'Ordre, c'est-à-dire la croix d'or émaillée de blanc, aussitôt qu'ils avaient acquitté leur passage.



Arsène
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Il a deux ans quand son père part en émigration. Il est vraisemblablement resté en France, avec sa mère, jusqu'en 1791, puis emmené par ses parents en Allemagne puis en Angleterre.



Arsène vers cinq ans, portant la croix de Malte
peinture ornant le couvercle d'une boite ronde en écaille dorée
probablement commandée à Nancy par Monique pour envoyer à Barthélémy en émigration.
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Le 6 mai 1799, Barthélemy qui est à Brunswick, écrit un "plan d'étude pour Arsène pendant l'abscence de son ami" qui montre qu'il était alors avec sa mère. Comme nous l'avons vu dans la page consacrée à son père, un conseil de famille se tient à Tralee (comté de Kerry) en 1800 pour prendre en charge ses intérêts.



Plan d'étude pour Arsène
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► La plume   /  Vie de famille ►



L'épée : 1802-1818





A 15 ans, Arsène O'Mahony ne s'est pas rendu à Malte comme il aurait dû le faire s'il avait souhaité devenir profès, mais il est entré au service le 15 avril 1802, comme capitaine aide de camp du lieutenant général O'Mahony, son père, au service du roi du Portugal jusqu'à "l'époque de la rentrée en France de cet officier général en 1804". Il n'a cependant pas pu prendre ses fonctions dans ce pays car, quand son père est venu le chercher à Paris, ils ont tous deux été arrêtés et fait prisonniers de guerre en tant que sujet britanniques, assignés à résidence à Versailles en août 1804 (Sur cette période, voir ici et ici).


portrait
Arsène à 18 ans (1805)
-collection particulière-



 


Emploi du temps écrit par Arsène, le 15 mai 1802
Il était alors à Paris avec sa mère.
Un de ses maîtres est l'abbé O'Connor, son tuteur
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Lettre d'Arsène à sa mère, 11 décembre 1805
Il était alors à Fontainebleau avec son père
en résidence surveillée comme prisonnier de guerre
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En 1808, ayant atteint l'âge de la conscription, il en a été exempté en qualité d'officier étranger et a déclaré à ce titre, ne pouvoir en aucun cas être soumis aux lois françaises concernant le service militaire. Il est en conséquence considéré et traité comme officier portugais jusqu'en 1814, époque de son entrée au service de la France.



Arsène en uniforme d'officier portuguais
portrait exécuté vers 1812



Le 15 juin 1814, il obtient de SM le roi de France l'échange de son grade portuguais et est breveté capitaine de cavalerie au service de la France. Le 26 septembre suivant le duc de Luxembourg l'informe que le Roi lui a accordé la Fleur de Lys et qu'il est autorisé à s'en décorer.



  

à gauche : emploi de sous-lieutenant surnuméraire dans la 2ème compagnie des mousquetaires noirs de la Garde
Lettre du lieutenant général marquis de La Grange, capitaine de cette compagnie, 6 juillet 1814
à droite : certificat de décoration du Lys
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"Maison du Roi M.M. Les Mousquetaires Noirs"
Estampe de 1814 par Adrien Godefroy
-BNF, département Estampes et photographies-



     

Capitaine de cavalerie dans les troupes françaises, le 15 juillet 1814
Lettre de nomination (avec adresse au verso), signée du ministre Dupont le 23 juillet,
et lettre du chef de la 2eme division militaire datée du 12 août
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Sous-lieutenant surnuméraire de la 2e compagnie des Mousquetaires noirs de la Garde du Roi
Brevet de capitaine (en parchemin)
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Aujourd'hui premier octobre 1814, le Roi étant à Paris, prenant une entière confiance en la valeur, la bonne conduite et la fidélité du Sr Comte O'Mahony (Marie, Yves, Arsène, Barthélemy, Daniel) officier sortant du service de Portugal, Sa Majesté lui a conféré le grade de Capitaine de Cavalerie pour tenir rang à dater du vingt-six juin mil huit cent quatorze.
Mande Sa Majesté à ses officiers généraux et autres à qui il appartiendra, de reconnaître le Sr Cte O'Mahony en cette qualité.



Sur demande adressée au marquis de La Grange, lieutenant général commandant les mousquetaires noirs de la Garde, Barthélemy obtient qu'Arsène lui soit affecté comme aide de camp à la 2ème subdivision de la 12ème division militaire, avec traitement de chef d'escadron seulement. Cette nomination est faite le 19 mars 1815, par le duc de Feltre, ministre de la Guerre. Ils n'eurent certainement pas le temps de rejoindre leurs postes car, ce même jour, Louis XVIII quitte précipitamment les Tuileries laissant la place à Napoléon qui s'y installe le lendemain (les "Cent Jours" avaient débuté le 1er mars).



     

Aide-de-camp de son père, commandant la 2e subdivision de la 12e division militaire
Commission et lettres du duc de Feltre, 19 mars 1815
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Trois mois plus tard (18 juin), Waterloo sonne définitivement le glas de l'Empire, et le 8 juillet, le Roi revient à Paris. Une nouvelle affectation intervient très rapidement pour Barthélemy, le 25 juillet 1815, à Bourges où il est appelé à commander la 21e division miltaire. De nouveau il emmene son fils comme aide-de-camp. Arsène ne semble pas s'y plaire, comme le montrent ces extraits l'une longue lettre écrite le 8 août à son cher ami Vieillard :

"J'ai donc quitté Paris la grande pour venir promener mes grâces dans Bourges la vilaine, où mes grâces ne font pas leur effet, tant les habitants sont obtus et les habitantes bouchées. On ne m'apprécie pas encore, je ne le dis qu'à vous ."
"Hâtez-vous (de m'écrire) car bientôt je vais devenir si bête, si bouché et si berrichon, que je ne distinguerai plus des vers d'avec de la prose, et vos hémistiches, vos rimes, et vos périodes seraient perdues pour moi. A la rapidité de la contagion, je juge que j'ai encore quinze jours d'esprit et trois semaines de sens commun devant moi ..."
"Je suis arrivé de jour dans la ville, et le soir presque personne n'a illuminé. Je me suis montré à la promenade et personne n'est monté dans les arbres pour me voir passer excepté deux petits garçons dont le volant était accroché à une branche . La ville est affreuse, les rues sont de travers et mal bâties, les habitants ressemblent pour la plupart aux rues, les femmes honnêtes sont singulièrement vertueuses, n'ayant chacune qu'un mari et un amant à peu près du même âge et de la même date. Les demoiselles y sont vêtues depuis les talons jusqu'au menton, toujours munies de trois jupons et d'un caleçon quand le baromètre est à la tempête. Les actrices sont très catins et laides en proportion. Le grand amoureux est bossu, le père noble louche et le valet bégaie. Les gens riches sont vilains et les pauvres ne sont pas beaux, on y mange peu, on y digère mal, et, grâce aux punaises, on y dort guère ! ."
"Après cela, je ne suis plus qu'une cruche, profitez donc de mon reste."
"Si vous rencontrez des gens qui se souviennent encore qu'il y eût à Paris un jeune homme charmant, roué sans bonnes fortunes, poète sans poésie, et major sans combats, vous leur ferez bien des compliments de sa part ."
"Au revoir donc cher confrère en pauvreté, cher collègue en infortune, portez vous bien, soyez joyeux, amusez vous, faites de bons opéras. Et si après tout cela, vous avez de la santé, de la gaîté, des plaisirs et des vers de reste, envoyez moi votre superflu qui sera mon nécessaire ."



Au mois d'août 1815 Arsène est promu major (lieutenant-colonel) à effet du 1er juillet 1814. Selon le Moniteur, le colonel comte O'Mahony est présenté le 13 août au Roi avec d'autres officiers supérieurs détenus à la prison militaire de l'Abbaye par suite de leur dévouement au Roi.

Son père étant mis à la retraite, l'intermède de Bourges ne dure que 6 semaines. S'inquiétant de l'avenir de son fils, Barthélemy écrit au duc de Feltre le 27 septembre :

Mon fils étant mon aide de camp, se trouve sans emploi par la retraite qui m'a été envoyée en vertu de l'ordonnance du 1er août 1815 alors que je pouvait continuer de servir le Roi utilement . Il a le grade de lieutenant-colonel, il peut être employé dans l'Etat Major de la Garde Royale. Il a la capacité et les moyens



Le 27 octobre, Arsène est donc employé comme lieutenant-colonel adjoint à l'Etat-major de la 1ère division militaire à Paris, commandée par le lieutenant général Despinoy, ami de son père. Il est maintenu dans la nouvelle organisation de cet état-major le 26 janvier suivant. Le 8 janvier 1817, il est nommé chef d'Etat-major provisoire de la 13ème division militaire à Rennes, commandée par son père. Il ne semble se plaire guère plus à Rennes qu'à Bourges, comme il l'écrit au même Viellard :

Je vous dirai que je m'ennuie singulièrement ici, ce qui n'est cependant nullement singulier vu qu'il y a peu de séjours plus ennuyeux. Pour me distraire, j'ai pensé à y faire jouer vos pièces, mais je ne les ai pas. Le directeur de la Comédie, qui a beaucoup de goût et pas le sol, est bien disposé à les admirer s'il en reçoit un exemplaire gratis

A l'évidence, Arsène ne se plait qu'à Paris et s'intéresse plus aux spectacles qu'au métier des armes qu'au demeurant il a si peu pratiqué antérieurement. D'ailleurs, le 2 novembre, Arsène fera jouer à Rennes, devant le duc d'Angoulème, fils du comte d'Artois, Un jour de bonheur ou le miroir magique, vaudeville en un acte dont il est l'auteur, et dont les éditions se vendent au profit des pauvres.





Promu au grade de major (lieutenant-colonel) à compter du 1er juillet 1814
Lettre de nomination (parchemin), signée du Roi et du ministre Gouvion-Saint-Cyr, le 22 août 1815
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Louis, par la grâce de Dieu, Roi de France et de Navarre, prenant une entière confiance dans les talents, les valeurs, la bonne conduite, et dans la fidélité et l'affection à notre service, du sieur, comte O'Mahony Marie Arsène Daniel, sous-lieutenant surnuméraire dans la 2ème compagnie des Mousquetaires de notre Garde, lui avons conféré et conférons le grade de Major pour tenir rang du 1er juillet 1814.
Mandons à nos Officiers généraux, et autres à qui il appartiendra, de le reconnaître et faire reconnaître en cette qualité.
Donné à Paris, le 22 août 1815





Adjoint à l'Etat-major de la 1ère division militaire
Lettre de service, 4 novembre 1815
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de gauche à droite, emploi en qualité de lieutenant-colonel à l'Etat-Major de la 1ère division militaire - lettre de service signée du duc de Feltre, ministre de la Guerre, 26 janvier 1816 ;
admission dans l'Ordre du Phénix de Hohenlohe le 25 septembre 1816 ;
autorisation de porter cette décoration (avril 1817) ;
diplome du dit ordre (langue française).
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Chef d'Etat-Major provisoire de la 13e division militaire commandée par son père, 8 janvier 1817
Lettre de service et lettres du ministre, le duc de Feltre, 21 janvier
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Placé en non activité, 6 novembre 1817
Lettres du ministre Gouvion Saint-Cyr et
du lieutenant général Coutard, commandant la division à la suite de Barthélemy
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Trois jours après la mise à la retraite (définitive cette fois-ci) de son père, Arsène est remplacé à la tête de l'Etat-Major de la 13e Division Militaire, puis, le 6 novembre 1817, il est invité à se retirer dans ses foyers pour "être admis à jouir du traitement d'expectative auquel il a droit", ce qu'il raconte à Viellard ainsi :

Il me semble, mon cher confrère en Apollon, que vous m'avez mandé une fois que mon ultracisme m'avait mieux réussi que votre "ministérialisme". Je ne sais pas si vous aviez raison alors mais je sais bien que vous n'étiez pas prophète lorsque vous fîtes cette superbe phrase. Les journaux qui vous ont appris la disgrâce de mon père auront bientôt l'avantage de vous informer de la mienne, je veux les "gagner de vitesse" tant j'en suis fier. Vous saurez donc illustre Jacobin sans le savoir, que je suis mis à la porte, autrement dit à la demi-solde, ce qui se ressemble beaucoup. J'ignore encore quel sera mon successeur, mais je crois qu'il ne tardera pas à venir me rendre ma liberté. C'est le plus beau cadeau que le Roi m'ait fait, et je pense que ce sera le dernier. Je compte en jouir pleinement et entièrement jusqu'à ce qu'on me mette en prison, ce qui pourrait bien m'arriver dans un ou deux ans.


Dans une lettre ultérieure, il indique :

C'est hier que j'ai reçu la nouvelle officielle de ma destitution. On m'a fait l'honneur insigne de l'accompagner de celle du brave général de Grosolles, couvert de blessures dans la Vendée, et qui a langui treize ans dans un cachot pour la cause du Roi, sans respirer l'air que par le soupirail de ce tombeau. C'est vous dire que je suis loin de me plaindre et qu'en pareille compagnie, je regarde ma destitution comme la plus belle promotion.


Arsène est persuadé faire l'objet d'une mesure politique, ses opinions ultra en étant la cause. Il a d'ailleurs depuis quelques temps la certitude d'être espionné par la "haute et la basse police". Mais faut-il vraiment ne voir dans cette "disgrâce" que des mobiles politiques ? Sans doute pas. Il est permis de penser que des critères de sélection plus spécifiquement militaires sont également entrés en ligne de compte. Quelles qu'en soient les vraies raisons, cette mise à l'écart constitue un événement majeur dans son existence.

Le traitement d'expectative (ou non-activité) qui lui fut accordé le 1er novembre 1818 pour dix années, devait expirer le 30 juin 1828, conformément à l'ordonnance royale du 20 mai 1818. On lui reconnut quatorze ans et demi de service. Il faisait alors parti des 1 250 officiers susceptibles d'être rappelés au service à tout moment, sans grand risque cependant vues les finances du royaume !

On lui annoncera le 25 février 1822 que le temps qui s'est écoulé depuis le 1er juillet 1804 jusqu'au 26 juin 1814 avait été porté en interruption, "comme n'ayant justifié d'aucun service militaire pendant cette époque de temps".

Il justifiera son service militaire durant cette période dans ce courrier au maréchal duc de Bellune, ministre de la guerre, datée du 28 mars 1822


"J'ai déjà eu l'honneur d'exposer à Votre Excellence :
1°) que placé en non activité le 6 novembre 1817, époque à laquelle je remplissais les fonctions de chef d'état major de la 13e division militaire, il me fut accordé le 1er septembre 1818 un traitement d'expectative pour dix années, et l'on me reconnut quatorze ans et demi de service.
2°) que le 24 juillet 1819, on me demanda l'échange du titre qui constatait ma position et mes droits, et que dans le titre nouveau que je reçus, on ne me reconnut plus que quatre ans, cinq mois et cinq jours de service, et que la durée de ma demi-solde fut réduite à quatre années qui expirent le 30 juin prochain.

"J'ai réclamé contre une mesure qui devait me paraitre une injustice où une erreur ; dans la réponse que j'ai reçue en date du 25 février dernier, il est dit : " que mes services ont été réglés ainsi qu'il suit : au service du Portugal en qualité de capitaine aide de camp de M. le comte O'Mahony, depuis le 15 avril 1802 jusqu'au 1er juillet 1804 époque de mon retour en France. Que le temps qui s'est écoulé depuis cette dernière époque jusqu'au 26 juillet 1814 a été porté en interruption, comme n'ayant justifié d'aucun service militaire pendant cette époque de temps."

"Ici je prie Votre Excellence de permettre que je lui donne de nouvelles explications que j'avais omises dans ma précédente réclamation.
Je n'ai, dit-on, justifié d'aucun service militaire depuis le premier juillet 1804 jusqu'au 26 juin 1814. Mais pendant tout ce temps je n'ai pas cessé d'être aide de camp de mon père, officier général au service du Portugal, retenu prisonnier de guerre en France, où j'étais revenu avec lui, et où j'ai suivi son sort et partagé sa captivité dans les différentes villes que le gouvernement français assignait pour prisons aux officiers étrangers. C'est ainsi que nous avons successivement habité Orléans, Fontainebleau, Nancy et enfin Versailles. Et dans cette dernière ville, on me regardait tellement comme un officier étranger, qu'ayant atteint l'âge de la conscription, M. le Préfet de Seine et Oise, qui me savait né à Paris, d'une mère française, et moi-même propriétaire en France, me fit approcher pour connaitre au juste ma position. Je la lui exposai, et dès lors je fus exempt et déclaré libre à jamais de la loi commune à laquelle aucun français ne pouvait se soustraire.

" Enfin, mon général et moi nous reprimes notre liberté et l'uniforme portugais le jour même de la montée du Roi dans ses états, et nous fîmes notre cour à Sa Majesté en qualité d'officiers portugais. Quelques temps après, je demandai l'échange de mon grade au service de la France, ce qui me fut accordé, ainsi que le constate le certificat suivant dont l'original est entre mes mains :

Le chef de la 2e Division certifie que le Ministre de la guerre a approuvé par décision du 26 juin dernier, que M. le comte O'Mahony, officier sortant du service du Portugal, fut proposé au Roi pour le grade de capitaine de cavalerie. S.M. a nommé cet officier le 15 juillet suivant.
Paris le 12 août 1814, signé Sabarié.


"J'étais donc considéré comme sortant du service du Portugal ; donc j'y étais encore la veille, et par conséquent pendant tout le temps écoulé depuis mon absence forcée de ce Royaume. Aussi lorsque je fus nommé officier supérieur des mousquetaires noirs, dans le tableau qui fut dressé de MM. les officiers pour fixer entre eux leur rang et leurs droits à l'avancement. Tout le temps de mon service au Portugal ne fut compté, sans considérer comme une interruption mon séjour en France, séjour involontaire assurément comme celui de mon général dont j'avais partagé le sort.

"En résumé, je crois donc pouvoir offrir à Votre Excellence comme preuves incontestables de la non interruption de mes services :
1°) l'exemption de la loi de la conscription pendant mon séjour à Versailles ;
2°) Mon rang dans le classement de MM. les officiers des Mousquetaires ;
3°) Le certificat de M. Tabarié, qui constate ma position avant d'entrer au service de la France et en y entrant.

"En conséquence, je supplie Votre Excellence d'ordonner que l'erreur dont j'ai été victime soit rectifiée ; ou, si cela ne se peut, de vouloir bien m'accorder un congé illimité, avec appointement, en attendant que je puisse rentre activement au service du Roi.



arsene_signature_1822

Fin de la lettre d'Arsène




Arsène obtiendra gain de cause selon un courrier du ministère de la guerre, en date du 27 mai 1822, lui confirmant qu'il était maintenu en jouissance du traitement de non activité pendant dix ans à partir du 1er juillet 1818.



  

Exécution de l'Ordonnance royale du 20 mai 1818
lettre du 27 mai 1822
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Au terme des dix années, une autre ordonnance du Roi voulant donner aux officiers une nouvelle preuve de sa bienveillance, en date du 21 mai 1828, prolongeait, selon certaines règles, la durée de jouissance de la solde de non-activité. Le maire de Versailles adressa à Arsène une lettre ce même jour lui rappelant que le ministre de la guerre désirait maintenant connaître ceux des officiers "qui seraient susceptibles d'être rappelés au service et qui en auraient le désir."

Il est vraisemblable qu'Arsène, engagé dans la presse pour un autre combat, depuis quelques années déjà, n'a pas demandé à être rappelé. Ce qui est certain, c'est qu'il n'a reprit aucun service militaire.





Arsène en uniforme de chef d'état major
portrait exécuté par Bel en 1819
(il avait obtenu l'autorisation de continuer à porter l'uniforme en certaines occasions)
Il porte les médailles des ordres du Phénix de Hohenlohe, du Lys et de Malte






La plume ►







(1)  Ainsi qualifié dans l'article nécrologique de la Presse du 31 décembre 1858, du Monde dramatique du 13 janvier 1859, etc.   (retour au texte)