Compléments page 40 et suivantes



Barthélemy O'Mahony au Portugal



Les quelques documents conservés aux Archives du Ministère des Armées du Portugal (Arquivo Historico Militar cotas AHM/DIV/3/7/292, 523, 557 et AHM/DIV/1/13/02/27) permettent de répondre à certaines interrogations soulevées par Bertrand O'Mahony dans son texte sur son arrière-arrière-grand-père Barthélemy : pourquoi est-il entré au service du Portugal ? pourquoi a-il pris le risque de rentrer en France ? quelles étaient ses fonctions au Portugal ? etc.

Début 1802, Barthélemy O'Mahony sert dans l'armée anglaise. Le comte O'Connel, certainement le parrain d'Arsène, qui avait été appelé par la cour de Lisbonne pour réorganiser les manoeuvres de son armée, va quitter ce pays et a probablement oeuvré pour que son remplaçant soit Barthélemy. Ceci se concrétise par le décret n° 48 du 26 mars 1802 admettant Barthélemy au service royal, au poste de maréchal-de-camp, en remplacement du maréchal-de-camp O'Connel, dont la démission a été acceptée par décret (n° 47) de cette même date (Catalogo dos Decretos do Extinto Conselho de Guerra, vol V, 1802, page 504). Colonel dans l'armée britannique, Barthélemy obtient ainsi son grade de maréchal-de-camp, avec promesse de celui de lieutenant général "à la prochaine promotion" ... ce qui parait être une motivation tout à fait suffisante pour prendre une telle décision, surtout si, comme il l'écrira en 1814 au ministre de la guerre Dupont : Ce grade (de lieutenant général) m'a été donné, il y a 12 ans au service du Portugal, lorsque j'y passai avec la permission de Sa Majesté, et j'y avais en même temps l'assurance que je serais fait Inspecteur général de toute l'Infanterie Portugaise à la retraite du lieutenant général Forbel décédé deux ans après mon admission à ce service ; des appointements de 30.000 livres étaient attachés à ce double emploi.

Le 20 juillet, Barthélemy est toujours à Londres. Il a fait embarquer la veille une partie de ses effets sur la Tamise, sur le bâtiment marchand Queen à destination de Lisbonne. Il comptait partir le lendemain pour Falmouth (Cornouailles) et s'embarquer sur le premier paquebot pour Lisbonne, mais il doit retarder ce départ, n'ayant toujours pas la réponse de Milord Hawkesbury, secrétaire d'état de Sa Majesté Britannique au Département des Affaires étrangères, au mémoire que le commandeur de Lima, alors ministre plénipotentiaire du Portugal (plus tard ambassadeur du Portugal à Paris) lui a remis pour lui.

On ne sait pas si l'attente fut longue, mais une lettre du 23 août suivant, adressée au Chevalier d'Almeida de Mello Castro, ministre portugais et secrétaire d'état au département de la guerre et des affaires étrangères, nous apprend que Barthélemy est installé à Lisbonne, rue Saint Michel. Il informe le ministre qu'ayant reçu son uniforme, il peut être présenté au Prince Régent (João de Bragance, régent de 1792 à 1816 puis roi du Portugal de 1816 à sa mort en 1826) comme cela lui a été promis. Il ajoute que : " Monsieur le vicomte de Viomenil me charge de rappeler au souvenir de Votre Excellence qu'elle lui a fait espérer qu'il serait présenté le même jour que moi. Nous attendons l'un et l'autre les ordres de Son Altesse Royale à ce sujet, et supplions Votre Excellence de nous faire la grâce de nous les transmettre." Appelé le 2 novembre 1801 par le ministre des Affaires étrangères portugais, le baron de Vioménil est alors Maréchal général et participe à la réforme de l'armée. Il quittera le Portugal en 1803, sera nommé pair du royaume en 1814 et Maréchal de France en 1816.

Le 5 septembre, le "Queen" arrive à quai et Barthélemy peut récupérer ses "deux malles et deux caisses, marquées O.M. nos 1.2.3.4". A peine en possession de ses affaires, il demande un congé de six mois pour aller chercher à Paris sa femme et son fils, et régler ses affaires (lettre datée du 6 septembre 1802, adressée au ministre de la guerre). Il attendait toujours l'avis d'obtention de son congé le 21 septembre, alors qu'il avait pris des arrangements avec des compagnons de voyage pour louer une voiture de retour pour Madrid : " Dans cette circonstance je prend la liberté de supplier Votre Excellence de vouloir bien me faire savoir les ordres que Son Altesse Royale aura daigné donner à mon sujet, et si je puis profiter de cette voiture pour me rendre à Madrid et de là à Paris, où des affaires d'une très grande importance pour moi demandent ma présence pour les terminer.."

On connait la suite : Barthélemy arriva à Paris quelques semaines plus tard, et s'y trouvait toujours quand il fut compris dans les mesures constituant prisonnier de guerre tous les sujets britanniques se trouvant sur le territoire français.



  

Lettre du 6 septembre 1802 (cliquer sur une image pour l'agrandir)



  Le maréchal de camp comte O'Mahony a l'honneur de supplier son Excellence Monsieur le Chevalier d'Almeida de Mello Castro de vouloir bien obtenir pour lui des bontés de son Altesse Royale Monseigneur le Prince Régent un congé de six mois avec appointements pour terminer des affaires très importantes qu'il a en France, et pour aller chercher sa femme et son fils qu'il a le désir d'établir avec lui à Lisbonne.
  De cette faveur dépend une très grande partie de sa fortune, dont une loi nouvelle promulguée par le gouvernement français en faveur des étrangers qui avaient des biens en France, lui fait espérer de récupérer les débris qui n'ont pas encore été abimés par la Nation.
  Le Comte O'Mahony a l'honneur de supplier encore son Excellence de vouloir bien obtenir pour lui de la généreuse manificence de son Altesse Royale, le supplément de gratification sollicitée en sa faveur par monsieur le Maréchal comte de Vioménil afin de le faire jouir de la même faveur qui a été accordée dans la même position à monsieur le comte de Chalup. Il n'a reçu à Londres que les 300 livres sterlings et monsieur le comte de Chalup en avait reçu 400 ce qui fait une différence de cent livres sterling. Ils avaient cependant alors le même grade, et le comte O'Mahony a une considération de plus, militante en sa faveur, celle d'être venu, à de grands frais, du fond de la France où il était lorsqu'il reçut l'avis de la grâce qui venait de lui être accordée par son Altesse Royale, et celle d'avoir été obligé de faire un séjour dispendieux de deux mois et demi à Londres pour attendre que son admission au service de Sa Majesté très Fidèle fut officiellement notifiée à S.E. Monsieur le chevalier de Lima par son Excellence.
  Il ose espérer que Son Excellence voudra bien prendre ces cironstances en considération et les mettre avec intérêt sous les yeux de Son Altesse Royale. Il en conservera la plus vive et la plus majestueuse reconnaissance.
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Laisser passer de Lisbonne à Madrid pour Barthélemy et son domestique (ordonnance) irlandais Jorge Martin (21 septembre 1802)



Si Barthélemy avait obtenu que son fils l'accompagne en qualité d'aide de camp avec le grade de capitaine, il semble qu'Arsène n'ait pas foulé le sol portugais, même si la famille conserve un portrait de lui en uniforme portugais. Il était en effet à Paris avec sa mère et non pas resté en Irlande ou en Angleterre comme le supposait l'auteur et n'avait pas embarqué avec son père. La lettre ci-dessous, de Barthélemy au régent , datée de Paris le 1er juillet 1814, confirme tout ceci : peu après son arrivée à Lisbonne, Barthélemy a obtenu l'autorisation de rentrer en France pour aller chercher son fils et sa femme en vue de les intaller avec lui au Portugal. Ceci explique la motivation de ce retour en France, et nous fait comprendre également que Barthélemy n'est resté que très peu de temps sur le sol portugais et n'y a donc gagné ni gloire ni médailles !



     

Lettre du 1er juillet 1814 (cliquer sur une image pour l'agrandir)



Monseigneur,

  Le général comte O'Mahony a l'honneur d'exposer respectueusement à votre Altesse Royale qu'elle lui a fait la grâce de l'agréer, le 2 avril 1802, à son service, dans le grade de maréchal de camp, avec promesse d'être promu à celui de lieutenant général à la première promotion.
  Que peu de temps après son arrivée à Lisbonne, votre Altesse Royale lui accorda un congé pour venir en France chercher la comtesse O'Mahony et son fils à fin de les conduire à Lisbonne, où il se proposait de s'établir avec toute se famille, après qu'il aurait réglé quelques intérêts qu'il avait à Paris et réalisé sa fortune.
  Que se trouvant en France, au mois de mai 1803, lorsque le gouvernement de Buonaparte constitua prisonniers de guerre tous les sujets de sa Majesté Britannique qui étaient en France, il fut compris, contre le droit des nations, dans cette mesure arbitraire, et qu''en vain son excellence Monsieur de Souza, ambassadeur de votre Altesse Royale, réclama pour lui contre cet acte vexatoire lorsque le Portugalétait en pleine paix avec la France.
  Que cette détention a été cause qu'il a été privé de partager la gloire que la brave armée portugaise s'est acquise sous les ordres du premier capitaine du siècle.
  Que son absence du Portugal, n'ayant été occasionnée que par une force majeure et indépendante de sa volonté, il ne doit pas être privé des appointements qui lui sont dus depuis le 1er octobre 1802, époque où il a cessé d'être payé, à raison de cent mille réais par mois.
  Qu'il ne doit pas être assimilé pour le payement des dits appointementsaux officiers français qui, ayant quitté le service du Portugal, ont traité avec la cour pour ne recevoir en retraite que la moitié de leurs appointements, attendu qu'il n'a pas quitté ce service, qu'il y reste invariablement attaché, et qu'il sollicite toujours la grâce d'être promu au grade qi lui avait été assuré, et que 12 années d'ancienneté dans celui de maréchal de camp lui donnent le droit de demander. Ce grade de lieutenant général vient de lui être accordé en France par le Roi. Il y jouissait de celui de maréchal de camp depuis l'année 1790.
  Que le gouvernement britannique, qui acorde une protection signalée à tous les sujets anglais réclame pour lui la justice de votre Altesse Royale, tant pour le grade auquel il a droit, que pour le payement de l'arrérage de ses appointements depuis 12 ans ; d'autant plus que ce n'est qu'avec la permission écrite de sa Majesté Britannique (et avec la conversion de son rang dans ses armées) qu'il est entré au service de votre Altesse Royale ; et que ce n'est que comme sujet né du Roi de la grande Bretagne qu'il a été constitué prisonnier de guerre en France, au mois de mai 1803, par un gouvernement révolutionaire et tyrannique, et qu'il fut privé de ses appointements.
  Il ose espérer que votre Altesse Royale daignera prendre en considération sa très respectueuse supplique et donner, en attendant qu'il puisse être promu au grade de lieutenant général dans ses armées, les ordres nécessaires pour que les arrérages de tous les appointements qui lui sont dûs depuis le 1er octobre 1802, lui soyent payés, soit à Lisbonne, soit à Londres, soit à Paris, où il attendra les ordres que votre Altesse Royale lui fera la grâce de lui donner par son ambassdeur.





Signature de Barthélemy



Page 44 du livre, Bertrand O'Mahony écrit : "Or, nouvelle surprise, nous constatons que Barthélemy et Arsène reviennent en France à ce moment là et, qui plus est, munis d'un "congé" officiel délivré par la cour du Portugal. Pourquoi prennent-ils un tel risque ? Erreur de jugement, nostalgie du retour, préoccupations familiales, arrière-pensées politiques ?" Nous avons maintenant la réponse !





           

Traductions en portugais de courriers de Barthélemy 1814-1817 (cliquer sur une image pour l'agrandir)