Darby Demetry O'Mahony
et sa descendance
Dans les années 1600, la politique anglaise de renonciation et restitution permettait aux chefs de clan de conserver leurs châteaux pourvu qu’ils payent un loyer et
en collectent un auprès des membres de leur clan. Les chefs de clan, jadis équivalents de rois, étaient devenus des propriétaires féodaux et de simples intermédiaires pour leurs propriétaires anglais absents. Au-delà de collecter les loyers, ils étaient payés pour empêcher toute sorte de poursuites concernant les titres de propriété ainsi que les évictions de malheureux locataires. Quant aux propriétaires anglais absents, tant qu’ils touchaient leurs loyers, ils fermaient les yeux sur ce qui pouvait se passer. Par ailleurs, les lois pénales interdisant aux catholiques d’acquérir de nouvelles propriétés, ceux-ci étaient contraints de partager leurs terres à chaque génération. On se retrouva donc, un siècle plus tard, avec de très nombreux propriétaires de petites terres.
John O’Mahony, à qui la seconde épouse avait apporté le château de Dunloe, était un de ces intermédiaires.
Il institua un système par lequel il se constituait administrateur de terres appartenant à des propriétaires anglais et
les sous louaient à des membres de son clan qui devenaient eux-mêmes d’autres intermédiaires. Lorsqu’il mourut en 1706,
son fils Daniel, héritier de Dunloe, continua sur ses traces mais se distingua particulièrement. En effet il réussit à
s’armer légalement ainsi que nombre de membres de son clan, prétextant que, sans cesse sur les routes pour collecter
les loyers, et transportant de grosses sommes d’argent, il était en constant danger. Il se trouva très rapidement à la tête
de 80 "assistants" armés. Un historien anglais a écrit qu’il était devenu puissant et éliminait ses voisins,
particulièrement ceux qui ne voulaient pas s’humilier devant lui. Ce qu’il faisait en fait, c’était reprendre le Kerry
aux occupants anglais ! Sous le couvert de s’armer pour protéger les loyers des propriétaires anglais, il constitua une
véritable armée informelle de quelque 4 000 hommes qui se rassemblaient la nuit, habillés et maquillés pour n’être pas
reconnus, allant où O’Mahony les emmenait, et toujours prêts à répondre à ses attentes. En conséquence personne n’osa jamais
exécuter aucune sentence judiciaire à leur encontre. Daniel O’Mahony était devenu si riche et puissant que l’historien anglais
Froude parle de lui comme le grand et terrible papiste qui régnait sur le Kerry et précise : « Les grandes
péninsules de Dunkerron et Iveragh étaient tenues au début du 18e siècle par Daniel O’Mahony du château de Dunloe,
le grand et terrible catholique qui gouvernait le Kerry avec ses 4 000 disciples. Le viceroi anglais regnait dans son
château de Dublin, mais Daniel O’Mahony était souverain en Kerry. » Daniel mourut en 1747 et, malheureusement pour les
roturiers de Killarney, ses fils ne le remplacèrent pas. On dit même qu’il légua ses culottes de velours à sa fille
Joanna, qu’il jugeait la seule de toute le baronnie digne de les porter.
Le château de Dunloe, avant et après restauration, est situé dans le parc de l'actuel hôtel de ce nom.
Darby Demetry ("Demetrie" en France) O’Mahony est le troisième de ses fils. Sa mère, Marie Mac-Carthy Reagh
(de Springhouse), le mit au monde en 1718 au château de Dunloe. Il vint en France probablement en 1738 et entra dans le
régiment irlandais de Bulkeley dont le colonel propriétaire était François de Bulkeley, mari de Marie-Anne, fille de Daniel O'Mahony, le héro de Crémone.
Second lieutenant, il était en 1745 avec son régiment à la bataille de Fontenoy. Après le traité de Fontainebleau (24 octobre 1745) officialisant l'alliance des Stuarts et de la France,
celle-ci soutint l'expédition de Charles-Edouard en Ecosse et lui envoya des troupes et minitions. Le 9
décembre, le
Louis XV
, qui transportait 200 hommes et 19 officiers des régiments irlandais de Bulkeley, Clare et Berwick fut capturé par un navire de guerre britannique.
Darby, fut ainsi fait prisonnier.
Capitaine en 1665, il avait rang de major de grenadiers au régiment de Bulkeley,
en 1772 (à Valenciennes), puis au régiment de Dillon en 1778 (Valogne en Normandie) et lieutenant-colonel au premier
régiment irlandais de Dillon en 1780 [Le régiment de Bulkeley fut intégré dans le régiment de Dillon en 1775].
Il prit sa retraite à Calais en 1781 et vint s'installer à Boulogne en 1783, rue du fiel de boeuf où il resta jusqu'à la
terreur. Il fut arrêté en 1793 et incarcéré à Arras. De là il fut dirigé plus tard sur Abbeville où il mourut le 16 mars 1795
(25 ventose an 3) "en sa demeure " chaussée Dubois, à l'âge de 77 ans. Il était chevalier de Saint Louis.
Lettre datée du 9 juin 1773 du comte de Bulkeley, colonel du régiment irlandais de son nom, alors ambassadeur de France à ratisbonne,
en réponse à une demande de Demetri d'une commission de lieutenant-colonel
Il avait épousé en 1765 Marie-Jacqueline-Claudine-Michelle-Julie de Fresnoye, fille d'Armand-Gabriel, seigneur,
baron de Moyecque, et de Louise de Roussel de Pernes. Sa cousine germaine Louise-Catherine-Victoire de Roussel,
religieuse Ursuline
sous le nom de sœur sainte Basile, lui légua en 1798 le fief d'Honvault,
sur la commune de Wimille, entré dans la famille Roussel de Pernes en 1686.
Le couple eut un fils unique : Jean-François.
Honvault, fief de la commune de Wimille, était dans la famille Roussel depuis 1686. Le 29 floreal an VI, l'Administration centrale fit procéder au sort et au partage de la succession de Melle de Roussel de Pernes. Honvault et ses dépendances échurent à Marie-Jacqueline-Claudine-Michelle-Julie de Frenoye, veuve de Demetrie de Mahony, écuyer, chevalier de Saint-Louis, ancien lieutenant-colonel au régiment de Dillon. A la mort de Mme O'Mahony (1825), son fils, M. le comte Jean-François O'Mahony, maréchal des camps et armées du Roi, hérita du château et le conserva jusqu'à sa mort (8 juin 1842) ; quelques années plus tard (16 avril 1860), M. me comte Ernest O'Mahony, fils de M. le général O'Mahony, en redevenait propriétaire.