Ajout



Lettre de Monique de Gouy d'Arsy, datée de "Paris, ce jeudi 21 août 1817 à 8h", adressée à son époux Barthélemy O'Mahony, par lui annotée "Lettre de ma femme écrite 30 ans après notre mariage et notre heureuse union"

A cette époque Monique est en pleine bataille judiciaire contre ses neveux Athanase et Emmanuel au sujet de la succession du marquis de Gouy leur père et grand-père, ce qui explique la raison pour laquelle elle doit rester à Paris alors que Barthélemy et Arsène sont à Rennes. Barthélemy a vainement demandé un congé pour venir à Paris régler ces affaires avec son épouse que cette situation rend très malheureuse. Il sera mis à la retraite au mois de novembre suivant.





cachet de Monique, avec les armes O'Mahony à gauche et Gouy d'Arsy à droite
on notera la forme britannique des écus et la couronne irlandaise (et non celle de comte français).



J'avais dit, je m'étais promis, mon cher ange, que je ne parlerais jamais de cette fête qui me tue, et je t'avais conjuré tant pour toi que pour moi, de ne jamais rien dire, ni écrire, qui put me la rappeler et faire saigner mes plaies ; mais un serment de cette nature ne peut être tenu par ce coeur tout à toi, par un coeur que j'adore au delà de toute expression, et dusse ai je en mourir, il faut que mes voeux, mes tendresses (?), mes larmes, t'arrivent tout juste au jour, à l'heure, à la minute, ou ils t'auraient été présentés par moi si je n'étais pas la plus infortunée des créatures. Le dit qui te portera cette lettre et ce qui l'accompagne, arrivera à R. [Rennes, où Barthélemy commande la 13e division militaire, avec Arsène comme chef d'état major] à l'heure précise où dans les temps de mon bonheur je me précipitais dans tes bras, pour te souhaiter tous les bonheurs présents et futurs, et ou je te couvrais de mes baisers si tendres, si bien donnés, si bien reçus. Aujourd'hui un froid papier sera seul dépositaire de tous ces sentiments si doux à éprouver, plus doux encore à exprimer, et je n'aurais pas même la jouissance de voir comment ils seront accueillis. Je ne trouve qu'une manière de te rendre mon petit bouquet [au sens de "cadeau"] plus supportable ; c'est de charger notre cher enfant de te le présenter ; je l'en ai chargé dans ma lettre d'hier matin, je vais le lui répéter dans une que je vais lui écrire, et je suis sure qu'il s'en acquittera de son mieux, et qu'il te parlera pour moi, le même temps que pour lui, comme il sait que je suis, comme il suit toujours lui-même, c'est à dire à merveille ; c'est pourquoi je l'ai chargé ...

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... d'envoyer dimanche à la diligence y attendre ma petite boite, de l'ouvrir, et de te porter à une place, mon tout petit bouquet, ce bouquet, cher amour, est ce que j'ai trouvé de mieux à t'offrir ne pouvant être près de toi, puisque c'est une toute petite portion de moi-même ; mais enfin, c'est quelque chose de moi-même, que j'espère que tu voudras bien porter toujours. La petite boite en contient 2. L'une est montée en épingle et l'autre en bague ; tu choisiras celle des deux que tu préfereras ; l'autre je la donne à mon Arsène ; il me la renverra si elle n'est pas montée comme l'aimera le mieux. C'est à dire que si tu prends l'épingle, et qu'il ne veuille pas porter la sienne en bague, je la lui ferai remettre en épingle. Expliques lui cela, que je vais lui expliquer aussi moi-même.
Je t'envoie en outre une petite bourse que j'avais bien compté te donner pleine d'or ; mais à ce moins elle est bien royale, et je te prie, si tu dines lundi chez le préfet et si tu fais une partie, de t'en servir, de faire en sorte qu'on la remarque, et de dire que c'est moi qui te l'ai envoyée pour ton bouquet. Je veux que ma profession de foi me précède dans un lieu où tu commandes. J'avais fait ajouter à ces 3 belles fleurs, un B. pour qu'il soit bien procédé qu'elle était pour ta fête ; mais je l'avais demandé tout petit et tout en haut, au lieu qu'elles l'ont fait énorme et mal placé ; cela m'a donné bien de l'humeur, mais il était trop tard pour en faire faire une autre. Reçois donc ces 2 chiffons, mon mimie, et tiens moi seulement compte l'intention ; pendant que tu recevras ce petit bouquetn je serai devant Dieu à la prière pour toi, et à lui demander pour toi la résignation et le courage nécessaires pour soutenir les ...




... peines dont il nous accable. Tu penses bien que je ne ferai pas pour le père,moins que je n'ai fait pour le fils, et ce sera encore ce bon abbé Ch. qui pretera de tout cœur son ministère, pour faire monter mes vœux toi au trône de l'Eternel, puisse t-il les envoyer ! S'il en était ainsi, pas un bonheur ni présent, ni futur, ne te serait refusé. Adieu, mon bon ami, adieu ; hélas! Etait-ce là le seul mot que tu devais entendre de moi le jour où nous sommes ordinairement si heureux ? Non sans doute, aussi je ne prononce pas d'un œuil sec et cette lettre m'a coutée ? et passion à t'écrire. Je crains qu'elle ne te coute autant à lire ; mais ayans du courage ... si nous le pouvons. Je fais tout ce que je peux, plus que je ne peux, le ciel me prêtera des forces, puisqu'il mend si malheureuse ... adieu encore, rien de nouveau poir nos affaires, d'ailleurs je t'avoue qu'il m'est absolument impossible de penser aujourd'hui à autre chose, et parler d'autre chose que de ce qui fait et fera à jamais l'objet de ma douleur et de mes larmes : tout ce qui y est étranger ne se présente pas même à ma pensée dans ce cruel moment, si ce n'est la frayeur constante que tu ne tombes malade, ainsi que mon enfant. Cette idée ne me quitte pas une minute et je n'en dors ni jour ni nuit. Quant à moi, je suis invulnérable et je me porte à merveille. Bonjour mon Barthélemy, bonne fête et surtout point de chagrin, ou le moins possible ; mille et mille baisers.

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