Ajout page 425

 

Famille Quesnel de la Morinière

 

 

Le 31 août 1819, fut fait et passé au château la Chapelle-Bouëxic (35) le contrat de mariage entre Zulmée QUESNEL de LA MORINIERE, âgée de 24 ans, demeurant présentement avec ses parents au dit château, et Charles-Félix d’AMPHERNET, vicomte de PONTBELLANGER, chef d’escadron, officier de l’ordre royal de la Légion d’honneur, majeur de trente ans, demeurant à Allaire (château de Vaudequip). A cette occasion la marquise du Grégo, mère du marié, abandonnait aux époux, en échange d’une pension à elle et à sa femme de chambre,  l’usufruit qu’elle s’était réservé sur la terre de Vaudequip et ses dépendances sises dans les communes d’Allaire et Saint-Jacut, département du Morbihan. La minute fut signée Zulmée Quesnel de la Morinière, Charles F. Damphernet, vicomte de Pombellanger, de La Caunelays marquise du Grégo, Quesnel, L. Dubot du Grego baronne de Bonté, F. Quesnel née Cristi de la Morinière, Bonté, de Robillart (sous-préfet de l’arrondissement de Redon), Ropert (chef d’escadron retraité, lieutenant de louveterie), Adelphe Quesnel, Le Normand et L. Degage, Notaire. (Enregistré à Redon le 3 septembre suivant). Tous se rendirent ensuite, vers les onze heurs du matin, à la mairie pour procéder à la célébration de leur mariage projeté entre eux et dont les publications ont été lues et affichées tant en cette commune qu’en celle d’Allaire. Le dit mariage se fit avec l’agrément de Sa Majesté Louis Dix-huitième du Nom,  Roi de France et de Navarre qui signa leur contrat.

 

 

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Charles-Félix a épousé Monique Zulmée Quesnel de la Morinière à la Chapelle-Bouëxic

 

La maison seigneuriale de la Chapelle du Bouëxic, située en la paroisse de Guignen, diocèse de Saint-Malo, est un des plus importants de l’arrondissement de Redon. Il consistait selon l’aveu rendu au Roi en 1680, en un grand corps-de-logis au bout duquel sont orangeries et galeries avec cour dans laquelle sont les écuries, remises de carosses et mesnageries, jardin au derrière de la maison, bois de haute futaye, promenoir, étang, canaux et fontaine au milieu du jardin, le tout en un tenant cerné de murailles. Ce château, qui avait été édifié par Yves le Bouëxic, est passé aux mains des Quesnel de la Morinière après 1754. Ils ne le conservèrent pas longtemps puisqu’il passa aux Menou qui le possédaient en 1874 et l’habitent encore. Le château fut pillé le 19 janvier 1790 par une bande de 600 personnes environ. On brisa des meubles, des portes, des fenêtres, on commit des dégâts de toutes sortes, on prit divers objets et de l’argent, mais le fait capital paraît avoir été l’incendie des papiers seigneuriaux, qui furent ramassés dans le cabinet du procureur fiscal et brûlés entièrement dans la cour.

 

 

 

Le château dans lequel eut lieu ce mariage appartenait au père de la mariée, Jean-Jacques QUESNEL de LA MORINIERE, né à Coutances le 24 avril 1765 de Jacques-Benoit Quesnel, sieur de la Boudière, lieutenant général criminel au bailliage et siège présidial de Coutances, et de Madeleine Monique Simon. Il épousa le 31 juillet 1794 Marie Charlotte, fille de Pierre CHRISTY, anobli en 1775, écuyer, sieur de la Morinière, seigneur et patron de Hauteville-sur-mer, lieutenant particulier civil et criminel au bailliage et siège présidial de Coutances, et de Charlotte Bonté, tante du général Bonté, futur époux de Louise du Bot du Grégo.

 

La mariée, qui avait une sœur d’un an son aînée (Reine-Judith) était orpheline, ayant perdu son père à 11 ans (1786) et sa mère à 13 ans (1788). Leur tuteur principal avait été Jean Joseph Aimable Bonté, qui fut premier grand vicaire du diocèse de Coutances après le Concordat.

Leur père leur avait légué de grands biens, si l’on en juge par l’inventaire après décès ci-contre fait en sa demeure de la rue des Douves des moines, paroisse Saint-Nicolas de Coutances le 24 août 1786 et dans celle des Miellettes, paroisse du Pirou, le 31 août suivant [Archives du château du Grégo aux AD de Vannes].

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Le fief noble de Hauteville qui avait appartenu à Monseigneur de Longueville, était passé à Pierre-Julien YNOR, conseiller du Roi, maître en sa cour des comptes, aides et finances de Normandie, qui le transmit à sa fille Marie Perrette, épouse d’André Christy, grand-père de Marie Charlotte. C’est du reste cette dernière qui, encore mineure, figura à l’assemblée des trois ordres du grand bailliage de Coutances le 16 mars 1789, son père étant décédé.

André Christy, grand-père de la mariée, fut maire de Coutances de 1765 à 1770.

 

Sieur de la Morinière du chef de son épouse, connétable du Roi, Jean-Jacques descend d’une famille de magistrats dont le berceau se trouve dans la paroisse d’Urville-la-Chanoine, devenue section de Regneville. Les Quesnel habitaient dès le quinzième siècle, et sans doute avant, un petit village de cette paroisse, appelé le Hamel du Roi, plus tard déformé en Le Rey. Les Quesnel, gens aisés, semblent avoir été aux quinzième et seizième siècles les principaux habitants de ce village. Depuis la seconde moitié du seizième siècle, ils comptent de nombreux avocats et magistrats à Coutances.

Mais en 1839, Jean-Jacques Quesnel de la Morinière se sépara des terres familiales qu’il possédait tant sur Urville que sur Regneville et Montmartin, soit dix-huit hectares divisés en 20 lots, dont son grand-père avait héritées de son frère Jacques Quesnel, curé de la paroisse Saint Nicolas de Coutances, décédé en 1701.

Mais il possédait par ailleurs de grands biens, si l’on en juge par  l’inventaire de sa succession et notamment l’actif de la succession de Jean-Jacques s’élevait à 1.257.450 francs pour les immeubles :

 

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Hôtel de Coutances et dépendances

Maison dite du Puits Sainte-Anne

Jardin de Bulsard

Maison Laurent

Maison Casrouge

Maison Goufrey

Ferme de la Mare, château et dépendances

Ferme du Hurey

Ferme de la Closerie située à Cambernon (50)

Les Vardes

Ferme de la Chape Meslier

Ferme de l’Ectot, située à St Denis-le-Vêtu (50)

Ferme de la Becquetière, située à Anneville (50)

Ferme de la Vilette, près Coutances (50)

Ferme Dubois (Saint-Pellerin, Carentan)

Ferme de la Romerie

Le domaine du Pirou, situé à Pirou (50)

La terre du Miellette, située à Montsurvent (50)

Pièce dite la Folie, située à Monthuchon (50)

 

60.000

2.400

800

4.000

5.500

9.000

150.000

20.000

32.000

13.300

83.000

60.000

104.000

85.000

180.000

100.000

345.000

3.000

450

 

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Inventaire de la succession de M. Quesnel dela Morinière

 

Le mobilier s’élevait quant à lui à 422.684 francs.

Le premier sur la liste de l’immobilier est l’ hôtel de Coutances et dépendances. Il s’agit d’une propriété acquise en 1824, composée d’un hôtel particulier nommé le Poupilel (actuel musée de la ville) et de jardins composant l’actuel jardin public, qu’il lèguera à la ville de Coutances à sa mort.

Cet hôtel, situé dans l’ancienne rue des Cohues,  appartenait à Antoine-Charles Le Poupinel qui, ayant acquis un office de secrétaire de Roi allait être anobli vers 1770, raison qui le força à émigrer en 1791. De retour, ayant besoin d’argent, il vendit son hôtel en 1803 à François-Louis d’Ouessey.

Par un état des lieux. dressé le 7 novembre 1792 par Jacques Philippe Charrette, architecte, demeurant à Coutances, expert nommé par le citoyen administrateur du District de Coutances pour faire l'estimation des biens nationaux à vendre, nous en avons une description très précise. (Archives Municipales de Coutances). Le principal Corps de logis, situé rue des Cohues, percé d'une entrée avec porte cochère -tel qu’il se présente aujourd'hui- comprenait, alors, au midi de cette entrée deux remises et un cellier et au nord toujours de cette entrée une cuisine, office et laverie {sous ces dernières cave et caveau voûtés). Si l'aile nord, à l'intérieur de la cour, était constituée comme elle l'est actuellement, d'un vestibule avec escalier à 6 volées (construit en bois et pavé de "Caur" avec une rampe de fer) et d'une salle et office, (l’orangerie étant de construction beaucoup plus tardive: fin 19ème siècle) l'aile sud abritait alors une grande écurie voûtée et un escalier conduisant aux greniers du Corps principal et à un appartement situé au-dessus de cette écurie, qui était en voie d'aménagement, ne contenant encore aucune cloison (c'est la famille Ouessey -devenue propriétaire de cet Hôtel en 1803- qui terminera les travaux et installera une cuisine au rez-de-chaussée dans une partie de l'écurie). Au bout nord du mur de la cour était un petit pavillon formant "les lieux d'aisance". Au premier étage du corps principal se trouvaient une antichambre pavée de carreaux blancs, une grande salle de 30 pieds sur 26 pieds pavée en petits tuilots de terre cuite et ayant 3 croisées au levant et 3 croisées au couchant (ces dernières étant les seules croisées de la façade ouest alors que la façade est, sur la rue, en comprenait 8), un cabinet de compagnie parqueté et une petite chambre avec antichambre. Les Ouessey changeront quelque peu l'ordonnance de ces pièces et "parquèteront" l'antichambre et la salle devenues" leur salon). L'aile Nord comprenait au 1er étage une chambre et 2 cabinets et au second étage une chambre à coucher avec alcôve, 2 cabinets, garde-robe et 2 mansardes.

Le 14 juillet 1790, Antoine Charles Julien le Poupinel, écuyer, Seigneur de Quettreville et de la Porte, ancien Capitaine de Cavalerie et Chevalier de l’Ordre royal et militaire de St-Louis, était nommé commandant des Compagnies de la Garde Nationale de Quettreville. Pourtant, inquiet sans doute par la tournure que prenaient les évènements, il devait quitter la France en 1791 et s’exiler à Coblence, en pays rhénan, lieu de ralliement de la noblesse française.

Devant le nombre sans cesse grandissant de ces émigrés, l'Assemblée Constituante vota le 9 novembre 1791 une loi par laquelle  "Tout émigré qui n'était pas rentré le premier janvier 1792, encourait une peine de mort et la confiscation de ses biens". Antoine le Poupinel ne rentra pas en France et si ses seigneuries, manoirs et terres de Quettreville et de la Porte au village St Nicolas de Coutances devenaient propriétés nationales, il en fut de même pour son Hôtel rue des Cohues (aujourd'hui: rue Quesnel Morinière) qui aujourd’hui abrite le Musée Municipal et dont les jardins sont devenus le Jardin Public de Coutances. La ville de Coutances ne le vendit pas mais y logea sa municipalité de 1793 puis le commandant de la Place en 1795 et de nouveau sa municipalité en 1801.

Pendant ce temps, le Coup d'État du 18 brumaire An VIII (9 novembre 1799) par Bonaparte et le Concordat que ce dernier signait le 16 juillet 1801 devaient mettre fin à la guerre civile de la Révolution qui avait souvent ensanglanté le pays. Antoine Le Poupinel revint de son exil. Il s'installa è Monthuchon et rentra en possession de son hôtel de Coutances. Privé de ses revenus il prit la décision de le vendre, ce qui fut fait le 19 pluviôse an XI (8 février 1803). L’acquéreur était Gabriel-François d’Ouessey. A la mort de celui-ci en 1823, l’hôtel fut mis en adjudication le 14 juin 1824 et vendu à main levée le 8 octobre de cette même année à Jean-Jacques Quesnel de la Morinière pour la somme de 20.005 francs, hôtel et jardins compris.

En janvier 1852, la ville apprend qu’il lui lègue par testament [du 1er janvier 1850 chez M° Bouillon à Coutances] son hôtel particulier de la rue des Cohues à la condition qu’il soit d’utilité publique et que les jardins deviennent un parc municipal où seraient cultivées des plantes médicinales. La municipalité accepta, et, en récompense, attribua son nom à la rue qu’il habitait, et qui de la rue des Cohues devint la rue Quesnel-Morinière.

Adèle Sébastien Minel (1789-1869), officier du génie retraité et aquarelliste, développa les plans du jardin en y mêlant terrasses à l’italienne, bosquets à l’anglaise, labyrinthe et jets d’eau. Un obélisque en granit fut érigé en mémoire du donateur Quesnel de La Morinière. Les travaux d’aménagement sur trois niveaux s’achevèrent en 1855 ; le jardin devint un précurseur et un modèle des jardins du XIXe siècle, tout en étant contemporain des premiers jardins paysagers parisiens. Le jardin de Coutances a été inscrit à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques en 1992.

 

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L’hôtel Poupinel, côté jardins et côté rue

 

 

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Le monument élevé dans le jardin des plantes « à Jean-Jacques Quesnel-Morinière, la ville de Coutances reconnaissante »

 

« Je donne et lègue à la ville de Coutances mon hôtel où je demeure avec les terrains et jardins en dépendant et autres maisons diverses occupées ou non occupées y attenant avec aussi mes plantes de serre et d’orangerie pots à fleurs vides et pleins le tout sis à Coutances  rue des cohues tels qu’ils se consistent sans réserve aucune. Je désire et veux que l’objet de ce legs serve à un établissement d’utilité publique, que les jardins soient jardins publics, qu’on y cultive et qu’on y trouve plantes usuelles et médicinales à l’usage gratuit des indigents et surtout que le tout soit parfaitement tenu et entretenu. »

 

Ce legs ne se fit pas sans difficultés si l’on en juge par cette déclaration faite le 17 novembre 1852, aux habitants en général de la ville de Coutances, dans la personne de Monsieur Brohyes leur maire  à la requête de Madame Monique Zulmé Quesnel, vivant de son bien, veuve de Monsieur Charles Félix, vicomte d’Amphernet de Pontbellanger, domiciliée à Rennes et demeurant présentement à Coutances au lieu de sa résidence rue des Cohues :

« Madame de Pontbellanger ne saurait consentir à la demande de la ville de Coutances relativement aux fruits des biens que lui a légués son père, car il en résulterait pour elle un préjudice qu’elle ne doit supporter ni en droit ni en équité. En effet si les immeubles légués à la ville de Coutances eussent produit des fruits, il serait de toute justice de les lui concéder ; si même ces biens ne fussent restés improductifs que par le fait de Madame de Pontbellanger, elle pourrait encore, au moins équitablement en être déclarée responsable, mais lorsque Monsieur Quesnel, testateur, n’avait pas loué les mêmes biens, lorsqu’une partie a même été laissée dans un état de dégradation tel qu’il est en quelque sorte impossible d’en tirer parti sans y faire des réparations extrêmement considérables, lui réclamer des fruits pour des immeubles qui n’ont pas pu en produire, c’est élever une prétention évidemment inacceptable pour le passé. Madame de Pontbellanger proteste donc contre cette demande, et quant à l’avenir, si elle se trouve légalement obligée sous ce rapport envers la ville, elle déclare que pour n’être pas lésée dans ses intérêts elle louera immédiatement aux enchères publiques les immeubles légués, en sorte que la ville pourra ainsi profiter de leurs loyers en exécutant les contrats de louage qui en aura été consenti.

En ce qui concerne la délivrance du legs, Madame de Pontbellanger fera observer que parmi les biens légués, il en est dont la propriété exclusive appartenait bien au testateur et que quant à ceux-là, elle consent dès à présent la délivrance, ainsi que des orangers et autres arbustes, plantes et objets mobiliers compris dans le legs, en autorisant pour ce qui la concerne, la ville de Coutances à s’en mettre immédiatement en jouissance. Ces biens consistent dans ceux légués, sous la seule exception de la maison principale avec les jardins, connus sous le nom de l’hôtel d’Ouessey et ses dépendances ; et en ce qui touche ces derniers immeubles, elle déclare également être prête à en consentir la délivrance, pourvu que les autres héritiers de Monsieur et Madame Quesnel, ses père et mère, passent le même consentement ; mais comme ces derniers biens constituaient au respect de Monsieur et Madame Quesnel un acquêt en bourgage [mode de tenure particulier usité en Normandie pour les maisons des villes et bourgs] que par suite la requérante et les enfants et représentants de son frère sont fondés à y exercer, du chef de Madame Quesnel, leur mère, belle-mère et aïeule, des droits de propriété dont il n’est même pas possible de déterminer présentement l’étendue puisqu’aucune liquidation n’est encore intervenue, tant au sujet de la succession de cette dame que relativement à ses droits dans les acquêts en bourgage, elle ne saurait comme pour les premiers en consentir purement et simplement la délivrance ; elle doit cependant faire observer qu’elle ne concevrait pas comment la ville éprouverait à cette occasion un refus de la part des autres parts intéressés attendu qu’elle déclare consentir à supporter seule, mais bien entendu jusqu’à concurrence seulement de la quotité de ses biens dont son père pouvait disposer au préjudice de ses héritiers à réserve, l’exécution du legs dont il s’agit, obéissant faire raison dans la limite de la même quotité à la masse successorale de sa mère de l’importance des droits qui seront reconnus pour la liquidation, lui compéter dans les mêmes immeubles, à moins donc que les cohéritiers de la requérante ne tiennent à exercer en cette matière leurs droits dans lesdits biens, cette délivrance ne saurait leur causer le plus léger préjudice, puisqu’ils seront rendus complètement indemnes d’abord par la requérante dans les limites ci-dessus, et ensuite par la ville dont les droits ne sauraient excéder les mêmes limites ; mais si contre toute attente il en était ainsi, il ne serait plus au pouvoir de Madame de Pontbellanger de les empêcher d’exercer un droit dont elle les croit bien propriétaires, etc. »

 

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Signature de Zulmé au bas de cet acte de 1852

 

 

 

 

En n° 7 sur la liste, se trouve la ferme de la Mare, château et dépendances.  Le 11 thermidor an IX (30 juillet 1801), Jean Jacques Quesnel de la Morinière achète à Bernard Hue de Caligny, pour 52.000 livres, devant maitre Langlois, notaire à Valognes, le fief de la Mare, « sans aucune réserve ni retenue, seulement est exceptée la chapelle de la Mare et le terrain en dépendant, »  celle-ci ayant été saisie comme édifice religieux, et revendue comme bien national. Sur ce nouveau domaine, son fils fera construire par Émile Guy, en 1841, une importante propriété, aujourd’hui détruite, appelée le château de la Mare. Des étages supérieurs de cette grande maison entourée d’un parc planté d’arbres verts, on découvrait la mer et un vaste horizon. Au décès de son fils, Jean-Jacques rentra en possession du domaine. Dans son testament daté du 4 mars 1851,  il léguait au Séminaire de Coutances ses maisons et terres de La Mare, d’une contenance d’environ 360 vergées, pour en faire une résidence utile et salubre pour la santé et promenade dudit  séminaire. Mais les héritiers contestèrent et par suite d’un arrangement le séminaire ne conserva que la ferme de la Guérie.

 

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Le domaine de la Mare

 

 

En n° 12 et 13 se trouvent les fermes de  la Becquetière (Gesfosses), dont il reconstruisit en 1834 la pêcherie d’Anneville, et d’Ectot (Saint-Denis-le-Vêty et Saussey), terres situées dans la Manche dont il fit l’acquisition en 1825.

En n° 17 de la liste, se trouve le bien dont la valorisation est la plus élevée : la ferme du Pirou. A la fin du XVIIIè siècle, le château du Pirou, un des plus anciens de Normandie,  cessa d’être habité noblement et devint une ferme vendue à Huguet de Sémonville qui le revendra à Jean-Jacques Quesnel Morinière, riche propriétaire de Coutances, qui l’a transmis à ses héritiers.

Dans l’Annuaire du département de la Manche publié en 1861 par Julien Jules Travers, on peut licre ceci : «  On voyait encore à Pirou, il y a quelques années, un emplacement nommé la mare du Pirou, qui offrait une étendue de 55 hectares, couverte d’eau. Grâce à des travaux entrepris avec intelligence, M. Quesnel de la Morinière, à qui appartenait cette vaste mare, est parvenu à la dessécher et à en livrer le terrain à l’agriculture. Il a, pour conduire les eaux à la mer, établi un canal en maçonnerie qui a 1265 mètres de longueur, 70 centimètres de largeur et 1 mètre 40 centimètres de profondeur. L’auteur de ces travaux, si profitables aux intérêts agricoles, mérite d’être signalé à la reconnaissance publique. »

 

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La ferme du Pirou

 

 

 

 

Dans son testament du 4 avril 1851, Jean-Jacques Quesnel-Morinière donne et lègue à titre de préciput et hors part à ma fille Monique Zulmé, veuve de M. de Ponbellanger, demeurant à Rennes, le tiers de tous les meubles et immeubles qui m’appartiendront à mon décès. Pour le reste, Zulmé était héritière pour moitié de la succession de son père et de sa mère, l’autre moitié étant partagée entre les deux filles de son frère. Elle resta veuve durant 40 ans, de 1827 à 1867, jouissant de l’usufruit de tous les biens de son époux, meubles et immeubles, à la charge de nourrir, élever, entretenir et éduquer leurs enfants [respectivement 7 ans et 5 ans à la mort de leur père] selon leur rang et fortune et de les doter en cas de mariage. Dans ce même testament du 19 juillet 1826, le vicomte de Pontbellanger léguait à son fils Michel Adrien, la terre de Trévarez avec ses titres, et hors part, la terre de Pontbellanger, pour en jouir après la cessation de l’usufruit.

Jean-Jacques était veuf depuis 1826.

 

 

 

 

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En 1855, Monique Zulmé Quesnel de la Morinière, vicomtesse de Pontbellanger, touchait 38.785 francs de revenus annuels de ses fermes du Peroney à Coutances (505 francs), du Four à ban à Servigny (1400 francs), de la Basse cour à Servigny (1094 francs), de la Morinière ou des Mielettes, Marais et Mielles au Pirou (4.000 francs), de la Closerie à Cambernon (1500 francs), de Bois à Saint Pellerin (6.400 francs), de La Villette au Plessis (3.000 francs), de la Becquetière à Anneville (3.000 francs),  du Courtil Manbard à Anneville (135 francs), de La Folie à Monthuchon (15 francs), de la Fosse à Mondin au Pirou (40 francs + 45 francs), toutes fermes dont les baux se renouvelaient à la Saint-Michel comme de coutume. A ceci s’joutaient les locations d’herbages pour 6700 francs, de mielles [nom donné dans la Manche à des plaines de sable voisines de la mer dont une partie est cultivée] au Pirou (dans les Miellettes) pour quelques dizaines de francs. De plus elle toucha 570 francs d’arrérages [versement périodique] de ses rentes et 1641 francs de diverses opérations (ventes et autres).  Les dépenses pour la même période s’élevant à 33.265 francs, le reliquat net en sa faveur se montait à 7.731 francs [A titre d’information 1kg de pain valait 32 centimes, 1kg de pommes de terres 7 centimes, 1l de lait 8,5 centimes, 1 l de vin 1,50 centimes, 1 robe 5 francs, 1 paire de chaussures 6,40 francs. Un vendangeur touchait 1,50 francs par jour plus deux miches de pain d’une livre].

 

A son décès deux lots furent constitués et tirés au sort entre le comte de Pontbellanger et la comtesse de Virel, frère et sœur.

Dans le 1er lot, échu au comte de Pontbellanger, se trouvent la ferme dite Le Bois ou Du Bois, la terre ou ferme appelée Les Miellettes, ? de Mielles, situées sur la commune de Pirou, une ferme dite La Chape Meslier, une ferme appelée La Clauserie ou Closerie dans la commune de Cambernon, une terre ou ferme appelée Le Peroney située à Coutances et un certain nombre de rentes.

Dans le second lot, échu à la comtesse de Virel, se trouvent deux fermes situées dans la commune de Saint-Fromant, une terre ou ferme nommée La Villette près de Coutances, une ferme appelée la Becquetière à Anneville, une terre appelée  La Basse cour à Servigny , une terre appelée le Four à ban à Servigny, une terre appelée  la Bergerie  à Servigny, un moulin à eau dit Moulin du four à ban, une ferme appelée la ferme d’Ectot située à St Denis-le-Vêtu, et un certain nombre de rentes.

 

Monique Zulmée avait un frère, Adolphe Félicisme marié le 5 octobre 1825 à Saint-Vigor-le-Grand (14) avec Anne Desmares, d'où descendance d'Annoville et Laforcade.

 

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