Dominique Barbier & Clair Morizet |
C'est François de Salomon qui acheta ce domaine en 1576 et Louis de Gouy, marquis d'Arsy, grand-père maternel d'Arsène
O'Mahony, qui s'en sépara en 1744.
Poulard, dans le Lot-et-Garonne, était le nom d'un fief très étendu (38ha) sur la rive gauche du Lot, composé de
nombreuses métairies –parmi lesquelles La Lande, situé à quelques centaines de mètres– et possédant une petite église
dont, au XIXe siècle, on voyait encore les ruines de l'autre côté de la route qui longe aujourd'hui la maison. L'ensemble
de ces constructions formait un écart du bourg de Saint-Brice.
Le domaine était auparavant la propriété de la très ancienne abbaye bénédictine de Clairac et devint, en 1576,
celle de François de Salomon qui l'acheta lors des ventes
des biens d'Église organisées par le cardinal de Lorraine pour renflouer les caisses vides de l'État, et
l'érigea en fief [sic].
Un acte d'hommage rendu par Jean-Jacques Denis, le 14 avril 1783 par devant Me Grenier, notaire à Clairac, à l'abbé de
Clairac, nous apprend que "le château, maison, chai et autres édifices appelés de Poulard, paroisse de St-Brice, ensemble 35
carterées de terres, vignes, prez, que le sieur Denis jouit en toute propriété, plus 9 carterées cinq cartonnats 24 escats
qui relèvent audit fief et qui sont jouis par divers particuliers, situés dans ladite paroisse et dans celle du Vaqué,
aliénés du Temporel de ladite abbaye par acte du 11 décembre 1576, consenti par le commissaire du roi en faveur de François
Salomon, bourgeois de Clairac, retenu par Bilhon, notaire royal à Agen. Et ce pour l'hommage d'un baiser à chaque mutation
de vassal."
A cette époque, aucune maison n'existait sur le site,
l'exploitation des terres se faisant directement depuis
l'abbaye de Clairac, située sur l'autre rive du Lot ;
François de Salomon - ou son fils - fit construire les bases de la
maison actuelle dont l'essentiel de ce qui demeure
aujourd'hui date des XVIIe et XVIIIe siècle.
Sur la façade arrière, s'élevait une tour carrée,
dont la base est toujours visible, qui fut arasée sur
ordre du cardinal de Richelieu, comme il l'ordonna pour
un grand nombre de maisons qu'il ne considérait pas
comme nobles, et qui ne pouvaient dès lors bénéficier
de ce privilège. À l'intérieur de la maison, subsistent
quelques boiseries et peintures de dessus-de-porte,
derniers vestiges d'une richesse disparue.
L'importance du pigeonnier, malheureusement détruit vers 1970, donne la mesure de l'étendue des terres, le nombre de boulins étant directement conditionné
par la superficie des terres.
Outre Poulard, François de Salomon acheta à cette occasion les biens de Lalande et du Vaqué ; ce dernier fut l'ultime propriété vendue par le dernier Salomon du Vaqué,
dans la première moitié du XIXe siècle.
Selon un article de La dépêche du Midi [24/09/2010], des plantations de tabac furent réalisées à Poulard
en 1637, parmi les premières en Lot-et-Garonne ; tabac qui fut avec la vigne l'une des richesses de Clairac,
jusqu'à la fin du XIXe siècle.
Poulard était occupé toute l'année, contrairement à la plupart des biens des riches Clairacais de l'époque qui délaissaient leurs maisons à la fin
de l'hiver, d'autant qu'elles
se situaient en zone inondable de la vallée du Lot,
inondations qui encore aujourd'hui assurent la richesse des terres. Pendant les mois d'hiver, ces familles habitaient
à Clairac, dans l'une des maisons de la rue Puzoque, cette rue qu'Henriette de Bellecombe nomme le
« petit faubourg-Saint-Germain » de Clairac, dans son livre sur « Les Denis, une famille bourgeoise de l'Agenais »
paru en 1894. Dans le testament de François de Salomon, sont d'ailleurs mentionnées une maison rue Puzoque, et plusieurs maisons rue Porte-Pinte.
L'ancienne église médiévale de Saint-Brice, rebâtie en 1651 et aujourd'hui détruite, était située à Poulard,
au coeur l'ancien cimetière catholique ; elle avait été translatée et reconstruite sur un terrain insubmersible en 1856 [Base Mérimée].
Comme nous l'avons vu, c'est François de Salomon, "conseiller de la Reine de Navarre et auditeur de ses comptes en la chambre de Nérac", qui acheta le domaine en 1576 et l'érigea en fief.
Après sa mort, ses biens furent partagés : Etienne, fils aîné du premier lit, auditeur
à la chambre des comptes de Navarre, hérita de Poulard dont il jouissait en 1610. Les autres biens furent partagés
entre les quatre autres enfants du premier lit (Jeanne, Anthonye, Pierre et autre Pierre), et les quatre enfants du second lit
(Salomon, Daniel, Isaac et Sara).
Etienne partagea ses biens entre son fils Jean, et sa fille, épouse de
Jacob Geneste. Jean, sieur de Poulard, qui hérita de la majeure partie, eut trois enfants de Catherine de Vacquier, son épouse.
Le 10 février 1655, à l'occasion du mariage de son fils aîné Pierre, cornette de cavalerie en 1663, avec Marie de Martin,
Catherine de Vacquier, alors veuve, "vend et délaisse au dit sieur son fils
la maison de Poulard avec tous les biens qui en dépendent".
Ce Pierre eut un fils (Jacques) et trois filles (Catherine, Marguerite et Henrye) qui lui survécurent.
Le 21 janvier 1691, Pierre fit une donation générale de ses biens en faveur de son seul fils encore vivant, Jacques,
gentilhomme de la chambre du duc du Maine, plus tard époux de Jeanne-Françoise de Biaudos de Castéja, dite Madame de Lalande, sous-gouvernante
des Enfants de France.
Jacques était qualifié "sieur de Lalande", pour le différencier de son père appelé "sieur de Poulard" ; après la mort de ce dernier, il est nommé
"sieur de Poulard de Lalande" ou "messire de Salomon, seigneur de Poulard et de Lalande".
Dans le testament de sa mère (1710), il est nommé "monsieur de Poulard, sieur de Lalande" et il est
précisé qu'il était donataire universel de feu
son père. Vivant dans l'entourage du duc de Maine, à Paris et à Versailles, il ne revient plus
à Clairac et, dans un acte du 24 février 1696, il fut stipulé qu'il laissait sa mère et ses deux soeurs "jouir du château de Poulard, du jardin, du verger, des meubles nécessaires et du bois pour leur chauffage".
Jacques eut plusieurs enfants, mais seule Françoise Mélanie survécut. Un procès opposa en 1720-21 son mari, le marquis de Gouy d'Arsy, à Catherine et
Marguerite de Salomon, au sujet de Poulard.
Françoise-Mélanie mourut avant sa mère (Madame de Lalande) qui percevait les revenus des biens de feu son mari.
Par l'intermédiaire de Monsieur de Salomon de La Reulle, oncle de feu son épouse, le marquis suivait pour sa belle-mère
la gestion des terres.
C'est son fils, « Haut et puissant seigneur Louis, marquis de Gouy, colonel du régiment du Gastinois, demeurant à Paris,
au vieux Louvre, chez Mme la marquise [sic] de Lalande, paroisse Saint-Germain-l'Auxerrois »
qui hérita du fief de Poulard, qu'il finit par vendre, en 1744, 56.000 livres à Jean-Jacques Denis, dont le père avait géré les propriétés des Salomon.