Fiche N° 0178

Auteur D. Barbier

07/06/2009

Ludwig der Bayer VON WITTELSBACH dit Louis DE BAVIERE

 

Ascendant ¤

 Allié¡

Souverain du Saint-Empire Romain Germanique en 1328

 

            

Couronne de l’empereur (à gauche), Louis de Bavière (centre), blason de l’empereur (à droite)

 

 

La dynastie de Wittelsbach tire son nom d’un château qui était situé sur le fleuve Paar, en Bavière, et qui fut détruit en 1208. Otton V, comte de Scheyern, s’y installa en 1124 et en prit le nom. Son fils, Otton VI, fut fait duc de Bavière en 1180 lorsqu’Henri le lion, grand-père de sa femme, fut banni par l’empereur. Dès lors les ducs de Bavière furent de cette famille.

Louis, quatrième du nom, est né en 1286, de Louis II, le sévère, duc de Bavière et de Mathilde de Habsbourg, fille de Rodolphe, empereur des Romains de 1273 à 1291.

Il fut duc de Haute Bavière (1302-1340), puis duc de la Bavière réunifiée (1340-1347), roi de Germanie (1314-1328) puis empereur des Romains (1328-1347).

 

Duc de Bavière

Rodolphe, son frère aîné, succéda à leur père quand celui-ci mourut en 1294. Louis, encore mineur, vivait à Neubourg, auprès de sa mère, la princesse Mathilde de Habsbourg. Malgré ces liens naturels qui devaient l’attacher à l’Autriche, Rodolphe embrassa la cause d’Adolphe de Nassau contre son oncle Albert de Habsbourg. La guerre ayant éclaté, Mathilde prit parti pour son frère et demanda la régence pour Louis, malgré sa minorité. Les deux frères ne pouvaient rester unis. Il fallut en venir au partage de la Haute Bavière qui eut lieu en 1310. Rodolphe reçut le palatinat du Rhin, Munich avec le pays situé sur la rive droite de l’Iser, et quelques parcelles sur la rive gauche ; Louis eut Ingolstadt, avec les bailliages baignés par le Lech.

Le palatinat devint peu après le sujet d’une nouvelle guerre de trois ans. Enfin on convint que la dignité électorale resterait à Rodolphe et passerait à Louis, s’il survivait à son frère. Cette réconciliation n’empêcha pas Rodolphe de se placer dans les rangs des adversaires les plus acharnés de Louis lorsque ce dernier fut élu empereur. Cependant, en 1317, affaibli de corps et d’esprit par une maladie de langueur, il abandonna le gouvernement à son frère, se retira à Vienne où il mourut en 1319.

Louis, à son retour de Rome, se réconcilia avec les deux fils survivants et le petit-fils de son frère Rodolphe, qui, dépouillés injustement, de leur patrimoine, ne possédaient pour vivre que la fortune maternelle et avaient longtemps obsédé leur oncle de sollicitations inutiles. Ce fut le 3 août 1329, à Pavie, qu’il conclut avec eux le fameux pacte de famille, par lequel il leur cédait le palatinat inférieur et supérieur, ne se réservant que la Haute Bavière.

Louis, accablé de soucis sur le trône impérial, trouva quelques consolations dans les acquisitions importantes qu’il put faire pour sa maison.

La seconde ligne de Wittelsbach, celle de la Basse Bavière, s’étant éteinte à la fin de 1340, il s’empara aussitôt de toute la succession, malgré l’opposition des ducs d’Autriche Frédéric et Léopold, et les prétentions plus légitimes encore de la ligne palatine. Louis gouverna avec beaucoup de gloire sur la Bavière réunifiée qui lui doit une foule d’institutions utiles. Ayant assemblé en 1341 une diète à Francfort, il y fit publier un code de procédure civile pour la Haute Bavière qui fut successivement adopté par les états de Basse Bavière et devint enfin la loi universelle de cette province. Il régla l’administration intérieure, et accorda à Munich une loi municipale. Mais en étendant ses domaines au préjudice de la ligne palatine, il ouvrit la porte aux divisions intestines. Il laissa en mourant un riche héritage à ses six fils, car il avait fait entrer successivement dans sa maison l’électorat de Brandebourg, le Tyrol, les comtés de Zeelande, de Hollande et de Hainaut.

Louis le Brandebourgeois et Etienne étaient issus de son premier mariage avec Béatrice de Pologne (dynastie Piast). Louis le Romain, Guillaume, Albert et Otton étaient nés de Marguerite de Hollande. En 1349, Marguerite fit, entre ses enfants, le partage de succession, quoique Louis, voulant assurer l’unité de la Bavière, leur eût recommandé de régner en commun, au moins pendant les vingt premières années qui suivraient sa mort. Louis le Brandebourgeois eut avec ses frères du second lit, Louis le Romain et Otton, la Haute Bavière et le Brandebourg ; Etienne, notre ancêtre, surnommé l’Agrafe, l’autre fils du premier lit, reçut avec Guillaume et Albert, la Basse Bavière, ainsi que les provinces néerlandaises de Hollande, de Zélande, de Frise et de Hainaut.

 

Louis de Bavière

 

 

Empereur des Romains (tiré des Œuvres complètes de Voltaire)

Des dix électeurs appelés en 1314 à élire le successeur d’Henri VII, cinq nomment Louis, qui, ajoutant son suffrage, est ainsi élu par six voix. Les quatre autres choisissent Frédéric, duc d’Autriche. Fréderic est sacré à Cologne par l’archevêque du lieu et Louis à Aix-la-Chapelle par l’archevêque de Mayence. Ces deux sacres produisent nécessairement des guerres civiles, d’autant plus que Louis de Bavière était oncle de Frédéric, son rival. Quelques cantons suisses, déjà ligués, prennent les armes pour Louis de Bavière. Ils défendaient par là leur liberté contre l’Autriche. Mémorable bataille de Morgat [Morgarten, 15 novembre 1315]. Si les Suisses avaient eu l’éloquence des Athéniens, comme le courage, cette journée serait aussi célèbre que celle des Thermopiles. Seize cents Suisses des cantons d’Uri, de Schwitz et d’Underwald, dissipent, au passage des montagnes, une armée formidable duc d’Autriche. Le champ de bataille de Morgat est le vrai berceau de leur liberté.

 

Bataille de Morgarten

 

(1316) Jean XXII, pape à Avignon et à Lyon comme ses deux prédécesseurs, n’osant pas mettre le  pied en Italie, et abandonnant Rome, déclare cependant que l’Empire dépend de l’Église romaine, et cite à son tribunal les deux prétendants à l’Empire. Il y a eu de plus grandes révolutions sur la terre, mais il n’y en a pas eu de plus singulière que de voir les successeurs des césars, créés sur les bords du Mein, soumettre les droits qu’ils n’ont point sur Rome, à un pontife de Rome créé dans Avignon ; tandis que les rois d’Allemagne prétendent avoir le droit de donner les royaumes de l’Europe, que les papes prétendent nommer les empereurs et les rois, et que le peuple romain ne veut ni d’empereur ni de pape.

 

Jacques Duèze, pape sous le nom de Jean XXII

Il était le frère de notre ancêtre Huguette, femme d’Arnaud de Triand

 

(1317) Il faut se représenter, dans ces temps là, l’Italie aussi divisée que l’Allemagne. Les Guelfes et les Gibelins la déchirent toujours. Les Guelfes, à la tête desquels est le roi de Naples Robert, tiennent pour Frédéric d’Autriche. Louis a pour lui les Gibelins. Les principaux de cette faction sont les Visconti à Milan. Cette maison établissait sa puissance sur le prétexte de soutenir celle des empereurs. La France voulait déjà se mêler des affaires du Milanais, mais faiblement.

(1319) Les deux empereurs consentent à décider leur querelle plus importante par trente champions : usage des anciens temps que la chevalerie a renouvelé quelquefois. Ce combat d’homme à homme, de quinze contre quinze, fut comme celui des héros grecs et troyens. Il ne décida rien et ne fut que le prélude de la bataille que les deux armées se livrèrent après avoir été spectatrices du combat des trente. Louis est vainqueur de cette bataille, mais sa victoire n’est point décisive.

(1320 et 1321) Philippe de Valois, neveu de Philippe-le-bel, roi de France, accepte du pape Jean XXII la qualité de lieutenant-général de l’Église contre les Gibelins en Italie. Philippe de Valois y va, croyant tirer quelque parti de toutes ces divisions. Les Visconti trouvent le secret de lui faire repasser les Alpes, tantôt en affamant sa petite troupe, tantôt en négociant. L’Italie reste partagée entre Guelfes et Gibelins, sans prendre trop parti ni pour Frédéric d’Autriche, ni pour Louis de Bavière.

(1322) Il se donne une bataille décisive entre les deux empereurs, encore assez proche de Muldorf, le 28 septembre : le duc d’Autriche est pris avec le duc Henri son frère, et Ferri, duc de Lorraine. Dès ce jour, il n’y a plus qu’un empereur. Léopold d’Autriche, frère des deux prisonniers, continue en vain la guerre. Jean de Luxembourg, roi de Bohême, fatigué des contradictions qu’il éprouve dans son pays, envoie son fils en France pour l’y faire élever à la cour du roi Charles-le-bel. Il fait un échange de sa couronne contre le palatinat du Rhin, avec l’empereur. Cela parait incroyable, le possesseur du palatinat du Rhin était Rodolphe de Bavière, propre frère de l’empereur. Ce Rodolphe s’était jeté dans le parti de Frédéric d’Autriche contre son frère et l’empereur Louis de Bavière, qui venait de s’emparer du palatinat, gagne la Bohême à ce marché. On ne peut pas toujours en tout pays acheter et vendre des hommes comme des bêtes. Toute la noblesse de Bohême se souleva contre cet accord, le déclara nul et injurieux, et il demeura sans effet. Mais Rodolphe resta privé de son palatinat.

 

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Fiedrich der schöne (Frédéric le beau)

Prétendant non élu au titre d’empereur, vaincu à Mühldorff

 

(1323) Un évènement plus extraordinaire encore arrive dans le Brandebourg. Le margrave de ce pays, de l’ancienne maison d’Ascanie, quitte son margraviat pour aller en pèlerinage en Terre Sainte. Il laisse ses états à son frère, qui meurt vingt-quatre jours après le départ du pèlerin. Il y avait beaucoup de parents capables de succéder. Pour les accorder tous, et sans attendre de nouvelles du pèlerinage du véritable possesseur, voulut approprier à sa maison les états de Brandebourg, et il en investit son fils Louis.

L’empereur épouse en secondes noces la fille d’un comte de Hainaut et de Hollande, qui lui apporte pour dot ces deux provinces avec la Zélande et la Frise.

L’empereur ayant vaincu son concurrent, a le pape [1] encore à vaincre. Jean XXII, des bords du Rhône, ne laissait pas d’influer beaucoup en Italie. Il animait la faction des Guelfes contre les Gibelins. Il déclare les Visconti hérétiques ; et comme l’empereur favorise les Visconti, il déclare l’empereur fauteur d’hérétiques et, par une bulle du 9 octobre, il ordonne à Louis de Bavière de se désister dans trois mois de l’administration de l’Empire pour avoir pris le titre de Roi de Romains sans attendre que le pape ait examiné son élection. L’empereur se contente de protester contre cette bulle, ne pouvant encore faire mieux.

(1324) Louis de Bavière soutint le reste de la guerre contre la maison d'Autriche, pendant qu'il était attaqué par le pape. Jean XXII, par une nouvelle bulle du 15 juillet, déclare l'empereur contumax, et le prive de tout droit à l'Empire s'il ne comparaît devant sa sainteté avant le 1er octobre. Louis de Bavière donne un rescrit, par lequel il invite l'Église de déposer le pape, et appelle au futur concile. Marcille de Padoue.et Jean de Gent, franciscain, viennent offrir leur plume à l'empereur contre le pape, et prétendent prouver que le Saint-Père est hérétique: il avait en effet des opinions singulières qu'il fut obligé de rétracter.

(1325) L’Alsace et le pays Messin tenaient pour la maison d’Autriche. L’empereur fit une alliance avec le duc de Lorraine son prisonnier, avec l’archevêque de Bar et le comte de Bar, pour prendre Metz. Metz fut prise en effet, et paya environ quarante mille livres tournois à ses vainqueurs. Frédéric d’Autriche étant toujours en prison, le pape veut faire donner l’empire à Charles-le-bel, roi de France. On gagne en sa faveur quelques princes d’Allemagne, qui donnèrent rendez-vous au Roi à Bar-sur-Aube. Le roi de France s’y transporte et n’y trouve que Léopold d’Autriche. Le roi de France retourne chez lui, affligé de sa fausse démarche. Léopold d’Autriche, sans ressource, renvoie à Louis de Bavière la lance, l’épée et la couronne de Charlemagne. L’opinion publique attachait encore à ces symboles un droit qui confirmait celui de l’élection. Louis de Bavière élargit enfin son prisonnier, et lui fait signer une renonciation à l’Empire pour le temps de la vie de Louis. On prétend que Louis conserva toujours le titre de roi de Romains.

(1326) Léopold d’Autriche meurt. Léopold avait eu pour son partage l’Alsace, la Suisse, la Souabe et le Brisgau. Ses frères de disputent cet héritage et choisissent le roi de Bohême, Jean de Luxembourg, pour austrègue, c'est-à-dire pour arbitre.

(1327) Louis de Bavière va enfin en Italie se mettre à la tête des Gibelins, et le pape anime de loin les Guelfes. L’ancienne querelle de l’empire et du pontificat se renouvelle avec fureur. Louis marche avec une petite armée à Milan, il est accompagné d’une foule de moines franciscains. Ces moines étaient excommuniés par le pape Jean XXII pour avoir soutenu que leur capuchon devait être plus pointu, et que leur boire et leur manger ne leur appartenaient pas en propre. L’empereur est couronné roi de Lombardie à Milan, non par l’évêque, qui refuse, mais par l’évêque d’Arezzo. Dès que ce prince se prépare à aller à Rome, la faction des Guelfes presse le pape d’y revenir. Le pape n’ose y aller tant il craint le parti Gibelin et l’empereur. Louis de Bavière assiège Pise et se fait donner, au bout de trois jours, trente mille livres pour y séjourner deux mois.

(1328) Louis de Bavière est couronné dans Rome, sans prêter serment de fidélité. Louis est sacré par un évêque de Venise, assisté d’un évêque d’Aleria, tous deux excommuniés par le pape. Il y eu peu de troubles dans Rome à ce couronnement. Le 18 avril, l’empereur tient une assemblée générale. Il y préside revêtu du manteau impérial, la couronne en tête, et le sceptre à la main. On lut ensuite la sentence par laquelle l’empereur déposait le pape. Enfin Louis prononce un arrêt de mort contre le pape, et même contre le roi de Naples, qui avait accepté du pape le vicariat de l’empire en Italie. Il crée pape, le 22 mai, de son autorité, Pierre Reinalucci, dominicain, et le fait agréer par le peuple romain. Il l’investit par l’anneau au lieu de lui baiser les pieds, et se fait de nouveau couronner par lui. Ce qui est arrivé à tous les empereurs depuis les Othons, arrive à Louis de Bavière. Les romains conspirent contre lui. Le roi de Naples arrive avec des troupes aux portes de Rome. L’empereur et son pape sont obligés de s’enfuir.

 

Couronnement de 1328

 

(1329) L’empereur, réfugié à Pise, est forcé dans sortir. Il retourne sans armée en Bavière avec deux franciscains qui écrivaient contre le pape. Le roi de Naples, Robert, fait rentrer sous la domination, ou plutôt sous la protection papale, Rome et plusieurs villes d’Italie. Les Visconti, toujours puissants dans Milan, et qui ne pouvaient plus être défendus par l’empereur, l’abandonnent. Ils se rangent au parti de Jean XXII, qui, toujours réfugié dans Avignon, semble donner des lois à l’Europe, et en donne en effet. Louis de Bavière, étant à Pavie, fait un traité mémorable avec son neveu Robert, fils de l’électeur palatin Rodolphe mort en exil en Angleterre, et tige de toute la branche palatine ; il lui rend le palatinat du Rhin et le Haut palatinat, et il garde pour lui la Bavière. Il règle qu’après l’extinction d’une des deux maisons palatine et de Bavière, qui ont une souche commune, la survivante entrera en possession de toutes les terres et dignités de l’autre et que cependant le suffrage dans les élections des empereurs appartiendra alternativement aux deux maisons.

(1330) Christophe, roi du Danemark, est déposé par les états du pays. Il a recours à l’empire. Les ducs de Saxe, de Mecklenbourg et de Poméranie sont nommés par l’empereur pour juger entre ce prince et les sujets. C’était faire revivre les droits éteints de l’empire sur le Danemark. Le roi Christophe, avec les forces de ces princes et du margrave de Brandebourg, chasse le régent et remonte sur le trône. Louis de Bavière veut se réconcilier avec le pape, et lui envoie une ambassade. Jean XXII, pour réponse, mande au roi de Bohême qu’il ait à faire déposer l’empereur.

(1331) Le roi de Bohême, Jean, au lieu d’obéir au pape, se lie avec l’empereur, et marche en Italie avec une armée, en qualité de vicaire de l’empire. Ayant réduit quelques villes comme Crémone, Parme, Pavie, Modène, il est tenté de les garder pour lui, et, dans cette idée, il s’allie secrètement avec le pape. Les Guelfes et les Gibelins alarmés se réunissent contre Jean XXII et contre Jean de Bohême. L’empereur, craignant un vicaire si dangereux, excite contre lui Othon d’Autriche, frère de ce même Frédéric son rival pour l’empire ; tant les intérêts changent en si peu de temps. Il suscite le marquis de Misnie et Carobert, roi de Hongrie, et jusqu’à la Pologne. Il est donc prouvé qu’alors il pouvait bien peu par lui-même. L’empereur fut rarement plus faible, mais l’Allemagne dans tous ces troubles est toujours respectée des étrangers, toujours hors d’atteinte. Le roi de Bohême, revenu en Allemagne, bat tous ses ennemis l’un après l’autre. Il laisse son fils Charles vicaire en Italie malgré Louis de Bavière, et pour lui il va jusqu’en Pologne. Ce roi de Bohême était alors le véritable empereur par son pouvoir. Les Guelfes et les Gibelins, malgré leur antipathie, se liguent contre le prince Charles de Bohême en Italie. Le roi, son père, vainqueur en Allemagne, passe les Alpes pour secourir son fils. Il arrive lorsque le jeune prince vient de remporter une victoire signalée, le 25 novembre, vers le Tyrol.

(1332) Le pape continue d’employer la religion dans l’intrigue. Othon, duc d’Autriche, gagné par lui, quitte le parti de l’empereur et gagné par des moines, il soumet ses états au Saint-Siège. Il se déclara vassal de Rome. Quel temps où une telle action ne fut ni abhorrée ni punie ! Peu de gens savent que l’Autriche a été donnée aux papes, ainsi que l’Angleterre ; c’est l’effet de la superstition et de la barbare stupidité dans laquelle l’Europe était plongée. Ce temps était celui de l’anarchie. Le roi de Bohême se faisait craindre de l’empereur, et songeait à établir son crédit dans l’Allemagne. Lui et son fils avaient gagné des batailles en Italie, mais de batailles inutiles. Toute l’Italie était armée alors Gibelins contre Guelfes, les uns et les autres contre les Allemands : toutes les villes s’accordaient dans leur haine contre l’Allemagne, et toutes se faisaient la guerre, au lieu de s’entendre pour briser à jamais leurs chaines. Othon d’Autriche assiège Colmar. L’empereur soutient cette ville contre le duc d’Autriche. Le comte de Wurtemberg fournit des troupes à l’empereur ; le roi de Bohême lui en donne. On voit de part et d’autre des armées de trente mille hommes, mais ce n’est jamais que pour une campagne. L’empereur n’est alors que comme un autre prince d’Allemagne qui a ses amis contre ses ennemis. Qu’eut-ce été, si tout eût été réuni pour subjuguer en effet toute l’Italie. Mais l’Allemagne n’est occupée que de ses questions intestines. Le duc d’Autriche se raccommode avec l’empereur. La face des affaires change continuellement, et la misère des peuples continue.

(1333) On a vu Jean, roi de Bohême, combattre en Italie pour l’empereur, maintenant le voici armé pour le pape. On a vu Robert, roi de Naples, défenseur du pape, il est à présent son ennemi. Ce même roi de Bohême, qui venait d’assiéger Cracovie, va en Italie, de concert avec le roi de France, pour y établir le pape. C’est ainsi que l’ambition promène les hommes. Qu’arrive-t-il ? Il donne bataille près de Ferrare au roi Robert de Naples, aux Visconti, aux l’Escales, réunis. Il est défait deux fois. Il retourne en Allemagne après avoir perdu ses troupes, son argent et sa gloire.

(1334) Cependant l’empereur Louis de Bavière reste tranquillement dans Munich, et semble ne plus prendre part à rien. Le pape Jean XXII, plus remuant, sollicite toujours des princes allemands à se soulever contre Louis de Bavière ; et les franciscains condamnés par le pape, pressent l’empereur d’assembler un concile pour faire déclarer le pape hérétique et pour le déposer. La mort devait venger l’empereur plus promptement qu’un concile. Jean XXII meurt à quatre-vingt-dix ans, le 2 décembre dans Avignon.

(1335) Le vieux roi Jean de Luxembourg épouse une jeune princesse de la maison de France, de la branche des Bourbon, et par son contrat de mariage il donne le duché de Luxembourg au fils qui naitra de cette alliance. La plupart des clauses de contrats sont des semences de guerre. Voici un autre mariage qui produit une guerre dès qu’il est consommé. Le vieux roi de Bohême avait un second fils, Jean de Luxembourg, duc de Carinthie. Ce jeune prince prenait le titre de duc de Carinthie parce que sa femme avait des prétentions sur ce duché. Cette princesse de Carinthie, qu’on appelait Marguerite la-grande-bouche, prétend que son mari Jean de Luxembourg est impuissant. Elle trouve un évêque de Freisingen qui casse son mariage sans formalités ; elle se donne au marquis de Brandebourg. L’intérêt a autant de part que l’amour dans cet adultère. Le margrave de Brandebourg était le fils de l’empereur Louis de Bavière. Marguerite la-grande-bouche apportait le Tyrol en dot et des droits sur la Carinthie ; ainsi l’empereur ne fit aucune difficulté d’ôter cette princesse au prince de Bohême et la donner à son fils de Brandebourg. Et mariage excite une guerre qui dure toute l’année et, après beaucoup de sang répandu, on en vient à un accommodement singulier. C’est ainsi que le jeune Jean de Luxembourg avoue que sa femme a raison de l’avoir quitté et approuve son mariage avec le Brandebourgeois fils de l’empereur. Petite guerre des Strasbourgeois contre les seigneurs des environs. Strasbourg agit en vraie république indépendante, à cela près que son évêque se mettait souvent à la tête des troupes pour faire dépendre les citoyens de l’évêque.

(1336 et 1337) On commence à négocier beaucoup en Allemagne pour la fameuse guerre contre le roi d’Angleterre. Édouard III méditait contre Philippe de Valois. Il s’agissait de savoir à qui la France appartiendrait. Il est vrai que ce pays, beaucoup plus resserré qu’il ne l’est aujourd’hui, affaibli par les divisions du gouvernement féodal, et n’ayant point de grand commerce maritime, n’était pas le plus grand théâtre de l’Europe, mais c’était toujours un objet très important. Philippe de Valois d’un côté et Édouard de l’autre, tachent d’engager les princes d’Allemagne dans leur querelle ; mais il parait que l’Anglais fit mieux sa partie que le Français. Philippe de Valois a pour lui le roi de Bohême, et Édouard a tous les princes voisins de la France. Il a surtout pour lui l’empereur ; il n’en obtient à la vérité que des lettres-patentes, mais ces lettres patentes sont de vicaire de l’empire. Le fier Édouard consent volontiers à exercer ce vicariat pour tâcher de faire déclarer guerre de l’empire la guerre contre la France. Ses provisions portent qu’il pourra faire battre monnaie dans toutes les terres de l’Empire : rien ne prouve mieux ce respect secret qu’on avait dans toute l’Europe pour la dignité impériale. Pendant qu’Édouard s’appuie des forces temporelles de l’Allemagne, Philippe de Valois cherche à faire agir les forces spirituelles du pape : elles étaient alors bien peu de chose. Le pape Benoit XI, encore dans Avignon comme ses prédécesseurs, était dépendant du roi de France. Il faut savoir que l’empereur n’ayant point été absous par le pape, demeurait toujours excommunié et privé de ses droits dans l’opinion vulgaire de ces temps là. Philippe de Valois, qui peut tout sur un pape d’Avignon, force Benoit XI à différer l’absolution de l’empereur.

 

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Edouard III d’Angleterre, vicaire général du Saint-Empire Romain Germanique

 

(1338) Le pape Benoit XI avoue que c’est Philippe de Valois, roi de France, qui l’empêche de réconcilier à l’Église l’empereur Louis. Grande assemblée des princes de l’Empire à Rens sur le Rhin. On y déclare ce qui ne devrait pas avoir besoin d’être déclaré : que celui qui a été élu par le plus grand nombre est véritable empereur ; que la confirmation du pape est absolument inutile ; que le pape a encore moins le droit de déposer l’empereur ; et que l’opinion contraire est un crime de lèse-majesté. Cette déclaration passe en loi perpétuelle le 8 août à Francfort.

(1339) L’empereur ne pense plus qu’à rester tranquille dans Munich, pendant qu’Édouard, roi d’Angleterre, son vicaire, traîne cinquante princes de l’empire à la guerre contre Philippe de Valois, et va conquérir une partie de la France. Mais avant la fin de la campagne, tous ces princes allemands se retirent chez eux, et Édouard assisté de Flamands, poursuit ses vues ambitieuses.

(1340) L’empereur Louis, qui s’était repenti d’avoir donné le vicariat d’Italie à un roi de Bohême, guerrier et puissant, se repent d’avoir donné le vicariat d’Allemagne à un roi plus puissant et plus guerrier. L’empereur était le pensionnaire du vicaire et le fier Anglais se conduisant en maître et payant mal sa pension, l’empereur lui ôte ce vicariat devenu un titre inutile. L’empereur négocie avec Philippe de Valois. Pendant ce temps, l’autorité impériale est absolument anéantie en Italie, malgré la loi perpétuelle de Francfort. Le pape, de son autorité privée, accorde aux deux frères Visconti le gouvernement de Milan qu’ils avaient sans lui, et les fait vicaires de l’Église romaine.

(1341, 1342 et 1342) Louis de Bavière semble ne plus penser à l’Italie et donne des tournois dans Munich. Clément VI, nouveau pape, né français, et résident à Avignon, est sollicité de revenir enfin rétablir en Italie le pontificat et d’y achever d’anéantir l’autorité impériale.  Il suit les procédures de Jean XXII contre Louis. Il sollicite l’archevêque de Trèves de faire élire en Allemagne un nouvel empereur. Il soulève en secret contre lui le roi de Bohême, Jean l’aveugle, toujours remuant, le duc de Saxe et Albert d’Autriche. L’empereur Louis, qui a toujours à craindre qu’un défaut d’absolution n’arme contre lui les princes de l’empire, flatte le pape qu’il déteste. Les princes assemblés à Francfort sont moins complaisants et maintiennent les droits de l’Empire.

Urkunde über Verleihung der Stadtrechte  durch Kaiser Ludwig IV,. der Bayer 1341

 

(1344 et 1345) L’impératrice Marguerite, femme de l’empereur Louis de Bavière, et sœur de Jean de Brabant, se trouve héritière de la Hollande, de la Zélande et de la Frise ; elle recueille cette succession. Son mari devait en être beaucoup plus puissant, il ne l’est pourtant pas.

(1346) Jean l’aveugle et son fils Charles font un grand parti dans l’Empire, au nom du pape. Les factions impériales et papales troublent enfin l’Allemagne, comme les Guelfes et les Gibelins avaient troublé l’Italie. Clément VI en profite. Il publie contre Louis de Bavière une bulle le 13 avril. Le roi de Bohême Jean l’aveugle et son fils Charles, marquis de Moravie, qui fut depuis l’empereur Charles IV, vont à Avignon marchander l’empire avec le pape Clément VI. Charles s’engage à casser toutes les ordonnances de Louis de Bavière, à reconnaitre que le comté d’Avignon appartenait de droit au Saint-Siège, ainsi que Ferrare et les autres terres, les royaumes de Sicile, de Sardaigne et de Corse et surtout Rome etc. Après ces promesses, Clément VI recommande aux archevêques de Cologne et de Trèves, et au nouvel archevêque de Mayence, d’élire empereur le marquis de Moravie. Ces trois prélats avec Jean l’Aveugle s’assemblent à Rens près de Coblentz le 1er juillet. Ils élisent Charles de Luxembourg, marquis de Moravie, qu’on connait sous le nom de Charles IV. Quoique l’Allemagne fût partagée, le parti de Louis de Bavière est tellement le plus fort, que le nouvel empereur et son vieux père, au lieu de soutenir leurs droits en Allemagne, vont se battre en France contre Édouard d’Angleterre pour Philippe de Valois. Le vieux roi de Bohême est tué à la fameuse bataille de Créci le 25 ou 26 août, gagnée par les Anglais. Charles s’en retourne en Bohême sans troupe et sans argent. Il est le premier roi de Bohême qui se fait couronner par l’archevêque de Prague et c’est pour ce couronnement que l’évêché de Prague fut érigé en archevêché.

(1347) Alors Louis de Bavière et l’anti-empereur Charles se font la guerre. Charles de Luxembourg est battu partout. Il est difficile de dire s’il y eut jamais un temps plus malheureux depuis les inondations des barbares au cinquième siècle. Les papes étaient chassés de Rome ; la guerre civile désolait toute l’Allemagne ; les Guelfes et les Gibelins déchiraient l’Italie ; la reine de Naples après avoir étranglé son mari fut étranglée elle-même ; Édouard III ruinait la France où il voulait régner ; et enfin la peste fit périr une partie des hommes échappés au glaive et à la misère. Louis de Bavière meurt d’apoplexie le 11 octobre, auprès d’Augsbourg. Des auteurs disent qu’il fut empoisonné par une duchesse d’Autriche. Il fallait que les historiens de ce temps-là eussent une grande haine pour les princes ; ils les font presque tous empoisonner. Louis de Bavière s’intitulait Louis IV et non pas Louis V, parce qu’il ne comptait pas Louis IV, surnommé l’enfant, parmi les empereurs. Ce fut lui qui donna lieu à l’invention de l’aigle à deux têtes. Il y avait deux aigles dans ses sceaux et les deux têtes d’aigle qu’on a presque toujours conservées depuis supposent aussi deux corps dont l’un est caché par l’autre. Le caprice des ouvriers a décidé de presque toutes les armoiries des souverains.

 

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Louis de Bavière

 

 

 

Abbaye bénédictine d’Ettal, fondée dans la vallée de Graswang en 1330

Louis était un pieux empereur comme le montre l’histoire de la fondation du monastère d’Ettal : « L’empereur, après son splendide couronnement à Rome, n’a plus beaucoup d’argent et, seul dans une église, il se demande, assez inquiet, comment il fera pour rentrer en Bavière ; voici que lui apparait un moine vénérable qui lui promet de le tirer d’embarras s’il veut bien accéder à une requête ; l’empereur est d’accord si cela n’offense pas Dieu ; bien au contraire, répond le moine, puisqu’il s’agit de fonder un monastère dans un certain lieu de Bavière ; l’empereur accepte donc, le moine lui annonce qu’il va recevoir la visite d’un seigneur italien qui, en échange de la liberté de sa terre, lui offrira autant d’argent qu’il voudra ; le moine remet à l’empereur une statue de la vierge, disparait et n’a plus jamais été revu ; la prédiction se réalise comme elle avait été annoncée ; l’empereur peut rentrer en Bavière et il fonde comme promis le monastère d’Ettal où l’on montre encore la statue de la vierge. »

 

 

 

 

Lien de parenté : ============================================

 

Louis IV de Wittelsbach

Jean de Haraucourt

Etienne II de Wittelsbach

Etienne III de Wittelsbach

Elisabeth de Wittelsbach

Charles VII de Valois, roi de France (1403-1461)

Charlotte, bâtarde de Valois (1446-1477)

Louis de Brézé (+1531)

Françoise de Brézé (+1574)

Diane de la Marck

Charles-Henri de Clermont (1571-1640)

Isabelle de Clermont

Françoise de Beauvau (°1621)

Jean-Armand de Voyer de Paulmy (+1674)

Céleste de Voyer de Paulmy (1662-1732)

Agathe de la Rivière (+1762)

Yvonnette Rivié de Riquebourg (1723-1798)

Monique de Gouy d’Arsy (1749-1823)

Arsène O’Mahony (1787-1858)

Maurice O’Mahony (1849-1920)

 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Selon André de Ratisbonne dans sa Chronique des empereurs (cité dans « Les ancêtres du Prince » de Jean-Marie Moeglin, 1985), Louis avait toutes les qualités, il ne lui en manquait qu’une, il ne savait pas le latin, et cela lui a joué un très mauvais tour ; en effet, ignorant le latin, il était bien obligé de se confier entièrement pour sa correspondance au chancelier Ulrich d’Augsbourg ; or celui-ci ayant jugé que l’empereur ne l’avait pas assez nettement défendu dans un procès qu’il avait eu avec des nobles de cour de Louis, voulait se venger. C’était justement à l’époque où Louis roi des Romains se hâtait de rechercher la faveur de papauté en lui envoyant des lettres dans lesquelles il assurait le Pape de son dévouement et de sa soumission ; ce fût l’occasion choisie par le chancelier pour se venger, il transforma les lettres déférentes de Louis en lettres d’injures. Le Pape, bien entendu reçoit cela fort mal, il excommunie Louis et le conflit arrive à un tel point que Louis est obligé de se faire couronner empereur par un pape qu’il a lui-même créé. Finalement, au moment de mourir, le chancelier révèle à Louis sa trahison, l’empereur est désespéré ; faisant preuve de grandeur d’âme, il n’en laisse pas moins son chancelier infidèle mourir en paix.