Fiche N° 0042 |
Auteur D. Barbier |
14/10/2008 |
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Odon de CONTEVILLE |
Ascendant ¤ Allié ¡ |
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Évêque de Bayeux de 1049 à 1097,
probable commanditaire de la
tapisserie de Bayeux consacrée en 1077
Portrait extrait du site du château de
Neuilly-la-Forêt
Noble normand, mort en janvier 1097 à
Palerme, qui, grâce à sa parenté avec Guillaume le Conquérant, devint évêque de
Bayeux, puis l’un des hommes les plus riches et puissants de l’Angleterre
nouvellement conquise. Agissant comme régent d’Angleterre à plusieurs reprises,
durant les absences du Roi, il fut aussi comte de Kent. Il est très
probablement le commanditaire de la Tapisserie de Bayeux.
Voici
l’appréciation qu’en fait l’auteur des Actes de Guillaume [1] : « Il ne mérita pas moins les éloges par l'amour qu'il montra
pour la justice. Il ne fit jamais de préparatifs de guerre et ne voulut pas
qu'on en fit. Redoutable cependant à ceux qui prenaient les armes, il aimait la guerre lorsqu'elle
était nécessaire, ne l'entreprenait que pour d'utiles desseins, et
sauvegardait, autant qu'il le pouvait, les droits de la religion. Sa fidélité
au roi, son frère utérin, fut toujours inébranlable, et il le chérissait avec
tant de force, qu'au sein de la guerre, il ne voulait point en être séparé. Il
avait, du reste, reçu de ce frère de grands honneurs et en attendait encore.
Les Normands et les Bretons pliaient complaisamment devant lui, et le
considéraient comme un maître fort agréable, et les Anglais ne furent pas assez
barbares, pour ne pas comprendre facilement que si cet évêque et ce gouverneur
devait être redouté, il devait aussi être respecté et chéri. »
Orderic Vital,
l’historien des Normands, en a dit : « Ce prélat était plein d'éloquence et de grandeur d'âme, magnifique, et courageux selon le monde. Il
honorait avec soin les religieux, défendait énergiquement son clergé
de l'épée et de la parole, et embellissait largement son
église d'ornements précieux […]
Sa proche parenté avec le duc lui fit, dans sa jeunesse, donner l'évêché de Bayeux, où, pendant plus de cinquante ans, il se livra à de puissantes
œuvres. Quelques-unes lui furent louablement inspirées par l'Esprit de Dieu;
dans d'autres, au contraire, il se laissa misérablement dominer par des
intentions charnelles. Aiguillonné par le démon de la chair, il eut un fils que
nous voyons aujourd'hui sous le nom de Jean, occuper un rang brillant à la Cour
du roi Henri, où son éloquence et son mérite lui ont conquis la première place.
Mais
bien que, dans quelques-unes de ses actions, Odon se fût laissé entraîner par
la légèreté du siècle, il eut soin de réformer ce que les mœurs ecclésiastiques
présentaient de défectueux. »
Odon de Bayeux (à gauche)
conversant
avec le duc Guillaume et son frère Robert (à droite).
-Tapisserie
de Bayeux-
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Notice biographique de
M. H. FISQUET, auteur de La France Pontificale (Gallia Christana), histoire chronologique et
biographique des archevêques et évêques de tous les diocèses de France, volume consacré
à la métropole de Roue : Bayeux et Lisieux.
29,- ODON ou
EUDES Ier DE CONTEVILLE (1049-1097)
Fils
d'Herluin, comte de Conteville, et d'Arlelte [de Falaise] qui, d'abord
maîtresse de Robert de Normandie, était devenue mère de Guillaume le Conquérant,
Odon se trouvait le frère utérin de ce dernier prince et le propre frère de
Robert, comte de Mortain, et de Muriel, comtesse d'Aumale.
Doué
d'excellentes qualités, il aida en 1040 son père dans la fondation de
l'abbaye de Grestain, et fut élevé au diaconat à Fécamp par Hugues d'Eu qui
venait de monter sur le siège épiscopal de Lisieux. A la mort de Hugues,
et bien qu'il fût encore adolescent, Guillaume son frère, duc de Normandie, le
pourvut de l'évêché de Bayeux. Aussitôt qu'il eut atteint l'âge requis
pour être sacré, il termina la construction de sa cathédrale, augmenta le
nombre des clercs chargés de la desservir, et lui donna de riches vases d'or et
d'argent. « L'Église de Bayeux, dit l'auteur des Actes de
Guillaume le Conquérant, page 209, témoigne
hautement de sa bonté et de sa prudence, il mit tout son zèle à l'orner et à
l'embellir. » Un des plus
remarquables présents qu'il lui fit, était une couronne de cuivre doré,
couverte de lames d'argent, et attachée à une chaîne de fer, dans la nef, vis-à-vis
du "crucifix. Haute de 5 m. 30 cm. et ornée d'autres
couronnes en forme de tours, elle occupait la largeur de la nef et servait à
porter, les jours de fêtes, quantité de cierges. Tout
autour étaient gravés quarante-sept vers latins à la louange de l'Église,
vers composés du temps d'Odon même, et non pas par Nicolas Oresme, évêque
de Lisieux, en 1377, comme l'avance à tort Hermant. Cette couronne fut
volée par les protestants en 1562.
«
Odon, dit l'ancien auteur que nous
avons cité, fut utile à toute la
Normandie dont il était la gloire. Son
éloquence et son génie brillèrent dans les conciles où l'on traitait des
affaires religieuses, et dans les assemblées où se discutaient les affaires
politiques. Nul dans la France
ne le surpassa en générosité, c'est là l'opinion générale. » Extrêmement désireux de
posséder les reliques du premier évêque de son diocèse, il remit à cet effet
une somme considérable au sacristain de l'église de Corbeil, qui, au rapport de
Guibert de Nogent, exhuma le corps d'un paysan appelé Exupère et en
donna les os à Odon qui, plus tard, reconnut la fraude.
Sceau d’Odon de Conteville, évêque de Bayeux
C’est le plus ancien exemple connu de sceau à double face :
sur
l’une il tient un bâton pastoral en sa qualité d’évêque de Bayeux et sur l’autre
un épée en sa qualité de comte de Kent
Dès
l'an 1050, il souscrivit à une charte pour la reconstruction du monastère de
Saint-Evroult. Sa signature se trouve ensuite sur des chartes données en 1051
en faveur de l'abbaye de Saint-Vandrille, et, en 1054, en faveur de celle
du Mont-Saint-Michel. L'année suivante, il assista au concile provincial réuni
à Rouen par saint Maurille. Le 13 mai 1059, il fit la dédicace de l'abbaye de Troarn et en confia la
direction à l'abbé Durand.
Vers
ce même temps, il consentit à ce que la terre de Roncheville, près
de l'embouchure de la Dives, fût donnée au monastère de
Saint-Julien de Tours. Il prit part en 1061 et en 1063 aux conciles
provinciaux tenus à Rouen. En 1062, il souscrivit à une charte
donnée par le duc, son frère, pour réconcilier les moines
de Marmoutiers et de Saint-Pierre-de-la-Couture. Le 18 juin 1066, il
assista à la dédicace de l'abbaye de la Sainte-Trinité de Caen. La même
année, après avoir fait reconstruire à ses frais et sur un plan
plus vaste, le monastère de Saint-Vigor, à qui il donna la dîme
pleine de toute la ville, avec ses appartenances et dépendances, il y
installa des moines du Mont-Saint-Michel, et leur nomma pour abbé Robert de
Tombelaine, religieux dont la science égalait la piété. Ce choix est un des traits
les plus caractéristiques de la vie d'Odon, homme extraordinaire qui se
réservait la liberté et imposait aux autres la discipline.
L'abbaye
de Saint-Vigor devint dès lors, pour le clergé de Normandie et d'Angleterre,
une pépinière de laquelle sortirent d'illustres prélats.
A
cette époque, Odon se fit remarquer aux États généraux de Lillebonne, entre les
instigateurs les plus actifs de l'expédition d'Angleterre. Il fit
construire sur la plage de Port-en-Bessin une partie de son contingent de
navires, il en fournit jusqu'à cent à la flotte de son frère avec « granz esforz de chevaliers et d'aitre gent. » Le jour de la bataille
d'Hastings (14 octobre 1066), Odon célébra la messe et bénit les troupes en
équipage d'homme de guerre; ensuite, monté sur un grand cheval blanc et tenant
en guise de crosse un bâton de commandement, il disposa la cavalerie pour
l'attaque.
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La
Tapisserie de Bayeux le montre en haubert semblant combattre lors de la bataille de
Hastings. Ceci conduisit des historiens (dont Edward Augustus Freeman)
à supposer qu'il avait pris part à la célèbre bataille, troquant une épée
contre une masse pour ne pas faire couler le sang, et ainsi ne pas aller
contre les lois canoniques. Toutefois, le commentaire en latin de ce panneau
de la Tapisserie, Hic Odo Eps. Baculum Tenens Confortat Pueros
(« Voici l'évêque Odon, tenant le baculus, encourageant les
hommes ») suggère plutôt qu'il commande et encourage les troupes depuis
l'arrière. Le bâton (baculus) qu'il tient à la main est similaire à
celui que le duc Guillaume tient dans trois autres panneaux en signe
d'autorité et de commandement. Wace, écrivant à la fin
du XIIe siècle,
interprète aussi la scène de cette façon. Toutefois, Guillaume de
Poitiers relate qu’Odon et Geoffroy de
Montbray, l'évêque de
Coutances, n'étaient là que pour aider par leurs prières, et
qu'ils ne portèrent pas d'armes[].
Ce commentaire suggère que l'implication d'Odon dans la bataille fût peut-être
exagérée par ces sources étroitement liées à Bayeux. (source : wikipedia – Odon
de Bayeux) |
Après
la conquête, la ville de Douvres, dans un état de ruine qui faisait peur à voir,
fut donnée à Odon qui distribua à ses guerriers et à ses gens les maisons
épargnées par l'incendie. Il eut aussi l'administration de tout le comté de
Kent.
Le
château de Douvres
Odon
obtint de vastes terres à travers toute l'Angleterre qui, à la rédaction du Domesday Book en 1086, rapportent plus de 3 240 £ par
an. Il est donc le plus riche des tenants-en-chef du royaume, le seul
approchant sa richesse étant son frère Robert. Il possède 439 manors dans 22 comtés et est aussi gardien
du château de Douvres.
Guillaume,
avant de repartir pour la Normandie en 1067, investit l'évêque de Bayeux et
Guillaume d'Osbern du gouvernement de son nouveau royaume : tous deux, aussi
orgueilleux que tyranniques, fermèrent leurs oreilles à la justice, comme leurs
cœurs à la pitié. Aussi fut-ce contre la ville de Douvres que se portèrent les
premières tentatives des insurgés Saxons.
Dans
l'intervalle, Odon souscrivit à une charte en faveur de Saint-Martin le Grand à Londres, charte
de donation souscrite le 25 décembre 1068 et confirmée par le roi Guillaume le
dimanche de la Pentecôte, 31 mai 1069, jour du couronnement de la reine
Mathilde dans l'église de Saint-Pierre de Westminster. Le 14 avril précédent,
il avait, comme frère du roi, signé à Winchester, un diplôme de Guillaume le
Conquérant, confirmant à l'abbaye de Saint-Denys en France l'église de Dursley,
au comté de Glocester. Une contestation qu'il eut avec Laufranc,
archevêque de Cantorbery, relativement à certaines redevances de ce comté que
le roi lui avait donné, fut terminée dans l'assemblée de Pinendenham en 1071.
L'année suivante, il souscrivit à la décision prisé au concile de Windsor pour
confirmer la Primatie de l'Église de Cantorbery sur toute l'Angleterre.
En
1072 et 1074, Odon assista aux conciles provinciaux réunis à Rouen par Jean de
Bayeux; pendant cette dernière année, Guillaume le Conquérant, en considération
de son frère, signala sa munificence envers l'Église de Bayeux par le don de la
baronnie du Plessis qu'il avait confisquée sur le traître Grimoult qui en était
seigneur. Odon en fit trois parts : il en appliqua
une, avec les honneurs de la baronnie, à la mense épiscopale; de la
seconde, il fonda sept prébendes dans sa cathédrale, et réserva
la troisième part pour le monastère qu'il avait dessein de fonder au château du
Plessis et qui n'eut d'exécution que longtemps après lui. A cette même époque,
Odon, toujours armé des pouvoirs souverains de la lieutenance en Angleterre,
fut l'un des chefs des troupes royales qui, à la bataille de Fagadon,
étouffèrent dans le sang la révolte des Saxons et des Normands conjurés contre
le Conquérant, et ordonnèrent de couper « le
pied droit à tous les prisonniers, de quelque nation et de quelque rang qu'ils
fussent. »
Le
14 juillet 1077, il donna à la consécration de sa cathédrale un éclat
extraordinaire : la cérémonie en fut faite par Jean de Bayeux, archevêque
de Rouen, en présence de Guillaume le Conquérant, de la reine
Mathilde, de Robert et Guillaume leurs fils, de Lanfranc et de Thomas,
archevêques de Cantorbery et d'York, des évêques, des abbés et des plus
puissants barons de Normandie.
Pendant la bénédiction
de la nouvelle basilique, le duc-roi fit selon à l'Église de la baronnie
et de la forêt d'Ellon, afin que tous les membres du chapitre pussent s'y
pourvoir de bois, et en signe de cette donation, il détacha de sa tête son
casque surmonté d'une couronne dorée et le laissa sur l'autel. Le 13 septembre suivant, Odon assistait à la dédicace de Saint-Etienne
de Caen, et, le 23 octobre, à celle de Notre-Dame du Bec
En
1080, après avoir pris part à la fin de mai au concile provincial tenu à
Lillebonne en présence de Guillaume le Conquérant, nous voyons l'évêque de
Bayeux parcourir avec une armée nombreuse le Northumberland dont les habitants
se sont soulevés : tous ceux qu'il accuse ou soupçonne sont décapités ou
mutilés par son ordre. Ce grand dompteur d'Anglais, comme on l'appelle,
sème partout la désolation sur son passage. Enfin, l'habileté dont il fait
preuve, ses services et la faveur de son frère le font successivement élever au
rang de comte de Kent et d'Hereford, et à la dignité de grand justicier
d'Angleterre où il possède jusqu'à 254 fiefs.
Dans
l'intervalle, on voit Odon souscrire à diverses chartes sans date en faveur du
monastère de Saleby, fondé à cette époque, et, en 1081, à des actes pour les
abbayes de Maldon et d'Edmondsbury, et à une charte en vertu de laquelle la
reine Mathilde donne au premier de ces monastères le village de Gordon. La même
année 1081, mourut Adèle, fille de Guillaume, duc de Normandie, fiancée au roi
de Galles et nièce d'Odon. On l'inhuma soit dans la cathédrale de Bayeux ou
dans l'église abbatiale de la Sainte-Trinité, à Caen. En 1082, Odon apposa sa
signature à une charte de Guillaume de Saint-Calais, évêque de Durham, relative
aux franchises et aux biens des moines de Saint-Cuthbert, de même que sur
diverses chartes du roi Guillaume en faveur des abbayes de Saint-Calais, de la
Sainte-Trinité et de Saint-Etienne de Caen. Il signa également une autre charte
pour régulariser les chanoines de Durham, en 1084.
Arrivé
au faîte du pouvoir, l'évêque de Bayeux osa porter ses vues sur le siège de
saint Pierre qu'avait laissé vacant l'illustre Grégoire VIL Après avoir cherché
à corrompre dans Rome tous ceux qu'il croyait pouvoir lui être utiles en cette
circonstance, Odon, impatient des lenteurs de la politique, résolut d'aller en
personne en Italie tenter ses diverses chances, et, pour soutenir ses folles
prétentions, ne craignit pas de lever des troupes dont il confia le
commandement à Hugues, comte de Chester.
Instruit
des projets de son frère, le roi Guillaume se hâta de repasser en Angleterre,
Il assembla ses barons en conseil dans l'île de Wight; c'était en 1085. « Odon,
comme son lieutenant, leur dit-il, avait mésusé cruellement de son autorité à
l'égard des Saxons ; il s'était enrichi sans scrupule des dépouilles des
églises, et au risque de compromettre la sûreté de l'Angleterre, il emmenait
avec lui ses plus fermes défenseurs. » Les barons ne pouvant se décider
à porter la main sur un évêque, Guillaume trancha la difficulté en arrêtant
lui-même son frère. Vainement Odon, s'écrie-t-il qu'en sa qualité de prêtre, il
ne peut être jugé que par le Pape. « Ce n'est point le clerc que j'arrête,
répond le roi, mais le comte responsable de ses fonctions. » Il le fit
aussitôt conduire en Normandie dans la tour du vieux palais de Rouen, où il
demeura prisonnier jusqu'à la mort de Guillaume le Conquérant, arrivée
le 8 septembre 1087. Pressé à son lit de mort de rendre la liberté à son
frère, Guillaume s'y refusa longtemps : - Il craignait, disait-il, que ce méchant homme ne portât le trouble
partout. »
Odon
justifia la crainte de son frère, aux funérailles duquel il assista. Il n'eut pas
plus tôt recouvré ses dignités, qu'il s'en servit pour semer la discorde entre
ses neveux, il s'appliqua à captiver les bonnes grâces du moins capable, Robert
Courte-Heuse, duc de Normandie, parce qu'il se flatta de gouverner le duché
sous son nom. Dans le même esprit de domination, il conspira avec plusieurs
seigneurs normands pour arracher la couronne d'Angleterre à Guillaume le Roux,
et la faire passer sur la tête du faible Robert. A peine les conjurés sont-ils
arrivés dans leurs châteaux d'outre Manche, que, par voie de déclaration de
guerre, ils commettent toutes sortes de violences sur les sujets de Guillaume
le Roux ; mais le roi d'Angleterre, prenant résolument les armes pour réprimer
ces brigandages, appelle les Saxons sous la bannière normande. L'évêque de
Bayeux, assiégé dans Rochester, est bientôt contraint de solliciter, comme une
grâce, sa libre sortie de la ville. Il est accueilli à son passage par les
fanfares des trompettes de l'armée royale qui célèbrent sa défaite, et par les
imprécations de la milice saxonne.
Odon
quitta ainsi en fugitif cette Angleterre où il avait régné en maître, Il reprit
en Normandie son premier ascendant sur l'esprit de Robert. Le duc étant menacé
de la perte du Maine, il l'engagea
à lever des troupes pour défendre ses droits, en partagea le
commandement avec Guillaume, comte d'Evreux, et entra à leur tête dans
la ville du Mans, en 1089. A son instigation, Robert Courte-Meuse fit arrêter
son frère Henri, comte de Cotentin, sous le prétexte qu'il entretenait des intelligences
secrètes avec les Talvas, ennemis du souverain du duché. Odon se chargea de la
garde du prisonnier qui, pendant quelque temps, en 1091, fut détenu dans le
château-fort de Bayeux. Henri conserva, à ce qu'on assure, un profond
ressentiment de sa captivité, et ce fut pour venger l'injure du comte de
Cotentin que plus tard, en 1106, le roi d'Angleterre incendia la
capitale du Bessin.
Dans
l'intervalle des faits que nous venons de raconter, on voit Odon de
Conteville assister en 1088 à la fondation de Notre-Dame d'York. L'année
suivante, qui était la quarantième de son sacre, il obtint du duc Robert la
confirmation des biens de l'Eglise de Bayeux. En 1092, il abandonna aux
religieux de
Saint-Ouen
de Rouen, libre et affranchie de sa juridiction , l'église paroissiale de Bots,
au doyenné de Maltot, église sur laquelle, à diverses reprises, il avait
voulu prétendre tous droits.
Cette
même année, Odon se rendit coupable d'un acte de complaisance que, pour
son honneur, on voudrait laisser dans l'oubli.
Il
ne rougit pas de bénir l'union incestueuse de Philippe I", roi de France,
avec Bertrade, femme de Foulques le Rechin, comte d'Anjou, et, pour
prix de ce honteux service, il obtint les revenus des églises de Mantes.
L'évêque de Bayeux ne tarda pas cependant à éprouver les remords de sa faute,
et il vint à Dijon se jeter aux pieds du pape Urbain V qui, à la prière de
Jarenton, abbé de Saint-Bénigne, lui accorda l'absolution.
En
reconnaissance de ce bienfait, Odon donna à ce monastère le prieuré de
Saint-Vigor qu'il unit à la mense de cette abbaye.
Le
2 février 1094, il se trouva aux derniers moments et aux funérailles de
Geoffroi de Montbray, évêque de Coutances. Cette même année, il
confirma, avec le comte Robert, aux religieux de
Vendôme,
la paroisse d'Andrieu. A son retour à Bayeux, après avoir assisté en 1095
au concile de Clermont, et à celui de Rouen en février 1096, Odon, par acte du
24 mai de cette année, confirma la donation du prieuré de Saint-Vigor à
l'abbaye de Saint-Bénigne. Peu auparavant, il avait obtenu du Souverain-
Pontife une bulle qui l'autorisait à se faire inhumer, lui, ses successeurs et
les chanoines de sa cathédrale dans l'église de ce même prieuré.
Toujours
prêt à signaler son humeur guerrière, Odon partit avec son neveu Robert
Courte-Heuse pour la Terre-Sainte, il ne se souciait pas de rester dans le
duché de Normandie, sous le gouvernement de Guillaume le Roux. Il
n'avait accompli que la moitié de ce long pèlerinage, lorsque la mort l'arrêta
à Palerme, en Sicile, au mois de février 1097. Gilbert, évêque d'Evreux, qui
accompagnait aussi le duc de Normandie, le fit inhumer dans la cathédrale de
Palerme ; et Roger, comte de Sicile, lui fit élever un superbe tombeau.
Son épiscopat avait duré 47 ans.
Il
nous reste d'Odon un monument précieux : nous voulons parler de la fameuse
tapisserie de Bayeux, qu'il donna sans aucun doute à sa cathédrale ; elle
atteste à la fois son goût pour les arts et sa vanité intéressée à conserver le
souvenir de l'expédition d'Angleterre. Odon de Conteville avait pour armoiries,
de gueules, à deux léopards d'or, mis l'un sur l'autre, au bâton péri
en barre du même.
Odon de Bayeux est connu
pour être l'archétype du Normand : ambitieux, brutal, et énergique. Il
acquit une mauvaise réputation, d'homme cruel et vicieux, aimant la luxure.
Il dépouilla beaucoup de gens pour distribuer leurs biens à d'autres. Le
pouvoir ecclésiastique ne l'appréciait pas non plus, car il incarnait tout ce
que détestaient les papes réformistes : un laïc, non désigné par
l'Église, exerçant un office séculier, détournant les ressources générées par
son diocèse et assoiffé de pouvoir et de richesse. Comme chez ses
contemporains Geoffroy de Montbray et Yves III de Bellême, la religiosité
s'effaçait assez rapidement sous les traits du grand seigneur temporel. Toutefois, il œuvra
admirablement pour son diocèse, le réorganisant, et étendant son chapitre. Il
finança la reconstruction de la cathédrale de Bayeux, qui fut consacrée en
1077, et du palais épiscopal. Il acheta de nombreuses terres pour sa
cathédrale, et à l'orée du XIIe siècle, l'effectif inféodé de
l'évêché était trois fois plus important que n'importe quel autre évêché
normand. Aucun ecclésiastique normand n'avait autant de chevaliers à sa
disposition. Il est
le très probable commanditaire de la Tapisserie de Bayeux avec laquelle il
orna la cathédrale |
La cathédrale de Bayeux |
L’abbé V. Bourrienne a écrit
un livre sur lui : Odon de
Conteville, évêque de Bayeux, son rôle au début de la première croisade.
Lien
de parenté :
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Odon de Conteville, dit Odon de Bayeux, eut un fils naturel [2], connu sous le nom de Jean de Bayeux,
qui fut père de Robert (marié à Mathilde du Hommet dont les enfants
conservèrent le nom), père de Richard du Hommet, père de Guillaume. Ce
Guillaume eut au moins huit enfants ; nous descendons de trois d’entre
eux : Agathe, Enguerrand, connétable de Normandie, et Richard, également connétable de
Normandie.
Ce dernier fut père de Jourdain, père de
Julienne, mère de Julienne de MORTEMER, mère de Jean CRESPIN, père de Guillaume I, père de Guillaume II, père de Guillaume
III, père de Jacqueline, mère de Jeanne de FLOCQUES,
mère de Jacqueline de ROUVROY de SAINT-SIMON, mère de Blanche de SALINS, mère
de Louis d’ETAMPES, père de Claude, père de Claude, mère
de Michel-Clériade du FAUR de PIBRAC, père
de Marguerite, mère de Bénigne BERBIS de RANCY, père
de Marie-Marguerite, mère de Catherine CHIFFLET d’ORCHAMPS, mère de Victoire BOQUET de COURBOUZON, mère d’Adèle LE BAS de GIRANGY, mère d’Eugénie GARNIER de FALLETANS, mère de Maurice O’MAHONY…