Darby Demetry O'Mahony
(Demetri Derbi)
Ecuyer
Il ne faut pas confondre les O'Mahony "de Dunloe" et les O'Mahony "du château de Dunloe". Les premiers sont les descendants de Dermod, sénéchal du Desmond en 1355 qui alla s'établir avec son peuple à Dunloe (et dont descend Barthélemy). Les O'Mahony du château de Dunloe sont les descendants de Daniel (Donal Coach) "the great and terrible papist", dont nous parlons ici.
Dans
les années 1600, la politique anglaise de renonciation
et restitution permettait aux chefs de clan de conserver leurs châteaux
pourvu qu’ils payent un loyer et en collectent un des membres de leur clan. Les
chefs de clan, jadis équivalents de rois, étaient devenus des propriétaires
féodaux et de simples intermédiaires pour leurs propriétaires anglais absents.
Au-delà de collecter les loyers, ils étaient payés pour empêcher toute sorte de
poursuites concernant les titres de propriété ainsi que les évictions de
malheureux locataires. Quant aux propriétaires anglais absents, tant qu’ils
touchaient leurs loyers, ils fermaient les yeux sur ce qui pouvait se passer.
Par ailleurs, les lois pénales
interdisant aux catholiques d’acquérir de nouvelles propriétés, ceux-ci étaient
contraints de partager leurs terres à chaque génération. On se retrouva donc,
un siècle plus tard, avec de très nombreux propriétaires de petites terres.
John O’Mahony, à qui la seconde épouse avait apporté le château
de Dunloe, était un de ces intermédiaires. Il institua un système par lequel il se constituait
administrateur de terres appartenant à des propriétaires anglais et les sous
louaient à des membres de son clan qui devenaient eux-mêmes d’autres intermédiaires. Lorsqu’il mourut en
1706, son fils Daniel, héritier de Dunloe, continua
sur ses traces mais se distingua particulièrement. En effet il réussit à
s’armer légalement ainsi que nombre de membres de son clan, prétextant que,
sans cesse sur les routes pour collecter les loyers, et transportant de grosses
sommes d’argent, il était en constant danger. Il se trouva très rapidement à la
tête de 80 "assistants" armés. Un historien anglais a écrit qu’il
était devenu puissant et éliminait ses
voisins, particulièrement ceux qui ne voulaient pas s’humilier devant lui.
Ce qu’il faisait en fait, c’était reprendre le Kerry aux occupants
anglais ! Sous le couvert de s’armer pour protéger les loyers des
propriétaires anglais, il constitua une véritable armée informelle de quelque
4.000 hommes qui se rassemblaient la nuit, habillés et maquillés pour n’être
pas reconnus, allant où O’Mahony les emmenait, et
toujours prêts à répondre à ses attentes. En conséquence personne n’osa jamais
exécuter aucune sentence judiciaire à leur encontre. Daniel O’Mahony
était devenu si riche et puissant que l’historien anglais Froude parle de lui
comme le grand et terrible papiste qui
régnait sur le Kerry et précise : « Les grandes péninsules de Dunkerron et Iveragh étaient tenues au début du 18e siècle
par Daniel O’Mahony du château de Dunloe,
le grand et terrible catholique qui gouvernait le Kerry avec ses 4.000
disciples. Le viceroi anglais regnait
dans son château de Dublin, mais Daniel O’Mahony
était souverain en Kerry. » Daniel mourut en 1747 et, malheureusement pour
les roturiers de Killarney, ses fils ne le remplacèrent pas. On dit même qu’il
légua ses culottes de velours à sa fille Joanna, qu’il jugeait la seule de toute le
baronnie digne de les porter.
Darby Demetry O’Mahony est le troisième de ses fils. Sa mère, Marie Mac-Carthy Reagh (de Springhouse), le mit au monde en 1718 au château de Dunloe. Il vint en France probablement en 1738 et entra dans le régiment irlandais de Bulkeley dont le colonel propriétaire était François de Bulkeley, frère de sa tante (épouse de Daniel le héro de Crémone). Capitaine, il était en 1745 avec son régiment à Fontenoy. En décembre de cette même année il fut fait prisonnier en mer au large de Montrose. Il était à bord du Louis XV en direction de l'Écosse et était alors second lieutenant. Il était capitaine de grenadiers du régiment irlandais de Burkeley, avec rang de major, en 1772 (à Valenciennes), et au régiment de Dillon en 1778 (Valogne en Normandie) et lieutenant colonel au premier régiment irlandais de Dillon en 1780 [Le régiment de Bulkeley fut intégré dans le régiment de Dillon en 1775]. Il prit sa retraite à Calais en 1781 et vint s'installer à Boulogne en 1783, rue du fiel de boeuf où il resta jusqu'à la terreur. Il fut arrêté en 1793 et incarcéré à Arras. D'Arras il fut dirigé sur Abbeville où il mourut le 16 mars 1795 (25 ventose an 3) "en sa demeure " chaussée Dubois, à l'âge de 77 ans, alors que sa femme habitait Honvault que lui avait légué, durant la révolution, sa cousine germaine Louise Catherine Victoire de Roussel, religieuse Ursuline sous le nom de sœur sainte Basile. Il était chevalier de Saint Louis.
Il avait épousé en 1765 Marie Jacqueline Claudine Michelle Julie de Fresnoye, fille d'Armand Gabriel, seigneur, baron de Moyecque, et de Louise de Roussel de Pernes. Ils ont un fils : Jean-François, qui suit. Le fief de Honvault, sur la commune de Wimille, entré dans la famille Roussel de Pernes en 1686, est "passé par alliance aux Fresnoye et d'eux aux O'Mahony" (la fille de Louise Catherine Victoire de Roussel était cousine germaine de madame O'Mahony, née de Fresnoye, qui devient propriétaire en 1798). Les O'Mahony quittent Calais pour Boulogne en 1780.
Jean-François, comte O'Mahony
est né à Calais le 7 octobre 1772, baptisé le lendemain. Son parrain est Jean O'Mahony du château de Dunloe.
Son père qui habitait encore Calais en 1880, le mit chez les pères de
l'Oratoire de Boulogne alors qu'il n'avait encore que 7 ou 8 ans. A 14 ans
(1786) il est confirmé à la cathédrale de Boulogne. De là son père le conduisit
au régiment de Dillon pour le présenter aux officiers et à ses anciens frères
d'armes (30 septembre). Il entre donc à 15 ans comme sous-lieutenant de
remplacement au régiment irlandais de Dillon ou son futur beau-père de Power
était également, ainsi que Mac Donald, qui fut toujours son ami et plus tard
fait maréchal de France. Il est alors connu sous le nom de "chevalier John O'Mahony". Sous lieutenant en pied en 1787, il émigre en 1791
avec les officiers de son régiment, est nommé capitaine dans le même régiment
de Dillon l'année suivante et fait la campagne de Champagne sous les ordres des
princes. Passé en Angleterre après la dislocation de l'armée en 1793, il
y reste un mois puis rentre Irlande où il est reçu à bras ouverts par sa
famille où il reste 18 mois chez Daniel, au château de Dunloe.
Il retourne en 1794 en Angleterre où est levée la Royal Irish Brigade (où son
beau père se trouve également) dans laquelle il servira jusqu'en 1799. Il resta
6 mois à Portsmouth et à l'île de Wight, se tenant prêt à partir avec son
régiment. Durant cette période, ses parents d'Irlande subvinrent largement à
ses besoins. En juin 1795 il rejoint Cork avec son régiment et reste en Irlande
pendant près de 3 ans. Il fait les campagnes aux Indes occidentales en 96 et
97. En 1799 il quitte son régiment et passe en Angleterre où il prend du
service au régiment allemand de la Reine (devenu 27ème de ligne anglais)
avec lequel il fait les campagnes de Méditerranée (1799-1800) et d' Égypte
(1801-1802) au cours de laquelle il est blessé à Alexandrie et décoré du
croissant turc. Il avait été nommé capitaine de grenadiers en 1801. Après la
paix d'Amiens, il rentre en France en 1803 et loue à Boulogne sur mer une
maison rue Saint-Jean. Il allait souvent à Honvault.
Il vit souvent l'empereur à Boulogne et il lui arriva même un jour de marcher
sur son pied. En 1804 il vint se fixer à Paris, au 18 boulevard Poissonnière.
Nommé chef de bataillon en 1809 il fait les campagnes de 1809, 1810 et 1811 aux
armées d'Espagne et du Portugal. Il est major du régiment irlandais en 1812,
colonel de ce même régiment (devenu le 3ème étranger) en 1813. Il était à
Anvers pendant le blocus de 1814. Ayant manifesté ses sentiments pour les
Bourbons il est suspendu et emprisonné pendant 6 semaines avant d'être exilé
pour avoir voulu entraîner son régiment dans la cause royale. En 1815 il est
breveté colonel par le roi mais démissionne au retour de Napoléon (l"usurpateur"). Colonel de la Légion de Haute
Loire cette même année. Il est nommé Maréchal des camps, en 1823, par
ordonnance du duc d'Angoulême, commandant en chef de l'armée des Pyrénées. Il
reçoit le commandement supérieur de Jerez puis celui de la 3ème brigade de la
division de Cadix et est nommé inspecteur général de l'Infanterie pour les 14 et 15ème divisions militaires en 1825. Il entre dans
le cadre de réserve en 1831 et décède à Boulogne en 1842, âgé de 70 ans.
Il avait été fait chevalier de Saint Louis le 3 août 1814 par le duc de Berry,
était commandeur de la Légion d'Honneur, grand croix de Saint Ferdinand
d'Espagne, portait la décoration du croissant ottoman et le Lys. Il avait
épousé le 12 juin 1815 à Paris 6ème Anne Eugénie Clémentine de Power, née à
Paris le 28 avril 1790, fille du comte Jean de Power, ancien officier, et de
Marie Henriette Brancour, d'où :
- Julie Françoise Clémentine, née le 26 janvier 1819 au Puy-en-Velay (Haute Loire), décédée le 12 janvier 1880 à Versailles, mariée en premières noces à André Hyppolite Bourdon, négociant à Valenciennes et en secondes noces le 20 juillet 1864 à Saint-Germain-en-Laye, au célèbre violoncelliste Alexandre Batta
- Charles Louis Ernest, qui suit.
(sources : dossier SHAT, notice écrite par son fils Ernest)
Ernest, comte O'Mahony, avocat à Paris, est né à Boulogne sur mer
le 30 mars 1826. Il a épousé à Lille le 11 février 1850 Elizabeth Dubois des
Cretons. Il était alors domicilié à Amiens où vivait sa mère, et précédemment à
Paris. Son épouse lui apporta le château de Bondues [il y a 3 châteaux à Bondues], au nord de Lille, qu’elle avait
hérité de son arrière-grand-père Michel-Eugène-Joseph Aronio
de Bomblay, fondateur du château construit peu de
temps avant le Révolution sur les plans de l’architecte Lesaffre.
Ernest n'a vraisemblablement pas eu de postérité puisque son légataire fut son
neveu Gontran Bourdon, né en 1842, qui vendit Honvault
en 1868. Il s'était rendu à Dunloe en 1855 et avait
été reçu par Daniel O'Mahony. A son retour il avait
écrit des notes sur les O'Mahony de Dunloe ... dont il fut le dernier de la branche française.
Il maintenait des rapports avec ses cousins O'Mahony, comme en témoigne une
lettre datée de Boulogne-surmer le 16 août 1866, adressée à Maurice O'Mahony.
Tiré
du livre de Louis Dervaux : « Bondues,
histoire de cette commune »
Baptème de Jean François - État civil de la ville de Calais pour le mois d'octobre 1772
"Le huit je soussigné vicaire ai baptisé un garçon né la veille à sept heures du matin, du mariage légitime de M Demetrie de Mahony, écuier, chevalier de l'ordre Royal et militaire de Saint Louis, capitaine de grenadiers du régiment irlandais de Bulkemey et de dame mariée Jacqueline Claudine Michelle Julie de Fresnoye, fille de monsieur le baron de Moyecque, ses père et mère, lequel a été nommé Jean François par M Jean de Mahony de Dunloe en Irlande, écuier, représenté par par M Paul Suiny, écuier, capitaine aide major du régiment de Bulkeley et par Dame Marie Elizabeth Françoise de Croises d'Audinctum épouse de messire Jean Danglard, chevalier de Saint Louis, lieutenant pour le roi au fort Nieulay, parrain et marraine, avec nous soussigné..."
Le château d'Honvault
Le 29 floreal an VI, l'Administration centrale fit procéder au sort et au partage de la succession de Melle de Roussel de Pernes. Honvault et ses dépendances échurent à Marie-Jacqueline-Claudine-Michelle-Julie de Frenoye, veuve de Demetrie de Mahony, écuyer, chevalier de Saint-Louis, ancien lieutenant-colonel au régiment de Dillon. A la mort de Mme O'Mahony (1825), son fils, M. le comte Jean-François O'Mahony, maréchal des camps et armées du Roi, hérita du château et le conserva jusqu'à sa mort (8 juin 1842) ; quelques années plus tard (16 avril 1860), M. me comte Ernest O'Mahony, fils de M. le général O'Mahony, en redevenait propriétaire.